Le mouvement continue Place de la République et se transforme en vrai village résistant. Organisé pour et par les manifestants du 31 Mars contre la Loi El Khomri sur le travail au départ, le mouvement s’étend de façon plus large. En quoi consiste-t-il et comment se développe-t-il ?

Reportage : Pandora LE DANTEC

Jeudi 7 avril – 38 Mars dans le calendrier Nuit Debout –  20h15, Place de la République. Tentes, odeur de merguez, musique, débats, la place a vu naître depuis une semaine un village dans la ville. Une mixité humaine avec une variété tant dans les styles vestimentaires que dans les installations. Des rires et des voix fortes résonnent autour de l’Assemblée générale officielle qui marque elle, une délimitation entre les participants et les organisateurs. Chaque citoyen peut s’inscrire sur une liste pour prendre la parole.

En retrait à droite de l’assemblée, un grand jeune homme demande l’attention d’un maximum de personnes, il vient de recevoir un SMS d’un camarade. Des policiers en civil délogent actuellement par la force des migrants installés à Stalingrad. Une foule de personnes se joint à lui. Sans plus attendre ils partent tous en direction de Stalingrad, déterminés et entonnant des slogans comme : « Révolution », « Levons nous ! ». Des personnes en terrasse se demandent ce qu’il se passe, un serveur interpelle la foule : « Où allez vous, que se passe-t-il ? », « À Stalingrad. Des policiers attaquent des migrants, venez ! », lui répond une jeune femme.

La foule se déplace vite, comme s’il fallait vraiment se dépêcher. L’ambiance devient de plus en plus tendue. « J’espère que l’on ne se fera pas trop bousculer par la police », nous confie Alice, 29 ans. C’est la troisième soirée d’affilée qu’elle passe à République. « C’est primordial pour moi d’être ici, à mon échelle je ne peux rien faire de plus qu’être là. S’il faut venir ici tous les soirs alors je viendrais. Mais les actions doivent se faire partout, pas seulement à République, il faut étendre le mouvement et s’écouter, communiquer sur ce qui a besoin d’être fait. » Elle continue son chemin rapidement, d’un pas déterminé.

Ce n’est pas le cas de Redouane, étudiant en philosophie à Paris 8. Cet algérien de 26 ans suit le cortège plus lentement, derrière la foule. En fait, il n’est pas sûr d’avoir compris ce pourquoi la foule se déplace. « On va où ? Il parait qu’il faut aider des personnes ? » Il vit en France depuis trois ans, pour ses études. « Je viens ici tous les soirs depuis jeudi dernier car c’est important de défendre son pays. J’ai vu le monde s’agiter et quitter brusquement la place de la République, je me suis dit qu’ils auraient besoin d’aide. »

La foule est déjà loin, on ne les voit presque plus. Redouane et son camarade de classe fait rebrousse chemin afin de revenir sur la Place de la République. L’ambiance y est un peu plus festive, l’odeur de merguez s’est renforcée. Des percussions retentissent sur des rythmes africains, les canettes de bières se décapsulent. « Même si ça ne mène à rien, les jeunes se souviendront de ces moments, ça va les endurcir et leur donner de l’assurance pour continuer », témoigne Serge, 72 ans. Il est là pour soutenir ceux qu’il appelle « les jeunes », même si la moyenne d’âge n’est pas si basse. « On ne peut pas continuer comme ça, on enterre nos jeunes, et avec le sourire. Je refuse d’être responsable d’un tel massacre, il faut les aider, les soutenir et se battre avec eux. Français ou réfugiés, avec ou sans emploi, il faut qu’on s’aide. »

21h, l’Assemblée générale est officiellement terminée mais des petits groupes de personnes se forment un peu partout, pour débattre, réfléchir et avancer ensemble. Parmi eux Carlotta, une jeune professeure en collège de 27 ans, vient pour le troisième soir d’affilé, elle ne prend part à aucun débat, mais se sent obligée d’être là.  « Je veux montrer qu’on est nombreux, on est plus qu’eux, ils ne nous retireront pas la démocratie, ni les 35h d’ailleurs », dit-elle en souriant, à la fois sûre d’elle et la voix apaisée. Pour elle ce mouvement est bien plus sérieux et organisé qu’il n’y paraît. « Hier ce stand d’écriture de la charte citoyenne n’était pas là, et c’est l’idée qu’il manquait. Pour que les personnes trop timides pour s’exprimer à l’Assemblée générale puissent quand même donner leurs idées, à l’écrit. Beaucoup de gens ne veulent pas parler de ce mouvement en terme de politique, moi je l’assume, je veux que la Nuit debout aboutisse à un réel parti politique, et surtout démocratique. » Elle semble excitée et fière de ce qui l’entoure. « C’est très triste d’en arriver là, mais je prends des forces quand je suis ici, il y a tellement d’amour et de solidarité, et c’est grâce à ça qu’on se fera entendre ».

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