EURO 2016. À l’heure où les valeurs du foot semblent compromises par le business, une association s’est donnée pour objectif de créer un espace d’échange entre migrants, franciliens et personnes en quête de réinsertion sociale. Reportage.

Sur le terrain, la fraternité conduit droit au but : des migrants et des franciliens, un ballon au centre et le coup de sifflet est donné. Depuis le 27 février, au complexe sportif UberanSoccer à Ivry-sur-Seine se joue un championnat de foot en toute simplicité. Ce samedi 25 juin, il est l’heure d’assister à la demi-finale, ainsi qu’à la finale. La passion est-elle, qu’on peut observer des équipes déterminées à remporter le championnat. Une façon de rendre plus gai le quotidien de migrants et de personnes hébergés dans des centres, n’ayant pas toujours d’activités pour rythmer leur journée.

« Nous sommes tous responsables de la société dans laquelle on vit, on a juste voulu apporter une réponse simple à une situation qui nous touchait », témoigne Nathalie Avakian. Elle aspire à inspirer d’autres personnes à une solidarité plus active pour une société moins individualiste. A l’initiative de ce projet avec Florent Bertinotti, les deux amis sensibles à une actualité pesante, ont même proposé à la ville de Paris d’y collaborer. « Très réceptive à notre idée, [celle-ci] a mis à notre disposition un carnet d’adresse et des fonds », précise Nathalie Avakian. C’est ainsi que le lien a été fait avec l’association Aurore, qui héberge des migrants et d’autres profils de personnes mal insérées dans la société.

Des migrants et des franciliens réunis sur un même terrain pour une même passion : leur amour du football. Des enchainements de passes, des dribles à tout va, de la défense à l’attaque, tout est bon pour laisser les soucis aux vestiaires. Ne pensez pas que le maillot fasse la nationalité, comme la couleur n’indique pas la nationalité de chacun. A première vue, difficile d’identifier qui est migrant et qui est francilien. Il n’y a pas vraiment de blancs, et toutes les personnes de couleurs ne sont pas forcément des migrants. Pour ceux qui se demandent quels sont les critères de recrutement : il n’y en a pas ! Seule compte une bonne condition physique, être majeur et être disponible au moins deux fois par mois.

Derrière les motivations liées au jeu, le côté humain prend le dessus. La preuve en est par la présence de Jawad. Un migrant afghan de 23 ans, qui malgré son incapacité physique à poursuivre le championnat, s’est tout de même déplacé pour soutenir ses coéquipiers. «C’est dommage, j’aurais préféré jouer, plutôt que de me contenter de regarder ! » a-t-il déclaré. Malheureusement, il s’est fait opéré la semaine dernière.

Arrivé en France depuis 2015, il se réjouit de participer à cet évènement et ne manque pas de l’exprimer. Pour autant, lorsqu’il s’agit de s’expliquer sur sa situation, il met ses mains dans ses poches et n’est plus aussi bavard. « Je ne veux pas en parler, c’est privé !», confie-t-il le cœur lourd et le regard ému. Il suffit que ces partenaires, devenus désormais ses amis, marquent un but pour qu’il retrouve son engouement. Sa joie s’exprimant sur son visage, il était inenvisageable qu’il replonge dans ses souvenirs douloureux.

Le témoignage du sud-Soudanais, Gamal, rejoint ses dires en exprimant sa joie de participer à ce championnat. « J’ai pu faire la rencontre de personnes, qui sont aujourd’hui mes amis », confie-t-il, sans vouloir s’exprimer sur le ressenti de sa situation.

Il semble avoir eu beaucoup d’énergie positive autour de ce projet. De la collaboration du Paris FC ou encore du Sporting Paris foot salle, des dons de la fédération française de foot et bien d’autres entités du football. Rien à voir avec l’Euro, pas d’enjeux financier, juste du partage !

C’est dans cet état d’esprit qu’Alex, 31 ans, attend de rentrer sur le terrain. Ancien banquier d’assurance reconverti dans l’économie sociale et solidaire, « j’ai voulu donner un sens à ma vie et à mon parcours professionnel », dit-il le sourire aux lèvres. En CDD chez Aurore, il endosse le maillot rose avec plaisir.

Cette association, peu visible mais active, lutte contre l’exclusion, autour de trois prérogatives sociales : l’insertion, la santé et l’hébergement. Eric Piliez, en est Président depuis 15 ans. Il émet l’idée qu’il est, « persuadé, que tout le monde peut trouver sa place dans la société, quelles que soient les difficultés ». C’est dans ce sens, qu’il exprime que « c’est à chacun, à son niveau de rajouter sa pierre à l’édifice ». Il a participé avec attention à ce projet citoyen « On avait les personnes susceptibles d’être intéressées, parce qu’on les hébergait, et également les infrastructures. Aujourd’hui on voit les yeux des joueurs qui brillent sur le terrain ».

Les actions dans le cadre de ce projet répondent au besoin d’intégration, mais personne ne souhaite s’exprimer sur la responsabilité de la politique. Et lorsque, la demi-finale se termine, Jawad est fier de son équipe, malgré leur défaite. Difficile d’échanger avec les autres migrants qui composent son équipe, ils ne parlent pas aussi bien français que lui. En dépit de ses talents de traducteur, leur réponse se limite à oui ou non. Oui, ils sont contents de participer à cet évènement et non ils ne désirent absolument pas s’exprimer sur ce qui les a poussés à quitter leur pays.

La finale se disputera sans eux, pour autant ils semblent contents de participer à cet événement. « Le but étant de se vider la tête, tout le monde est assez partant pour une saison 2», affirme Nathalie. Rien de mieux pour oublier les situations géopolitiques du monde, qui ont mené certains à se réfugier en France. On siffle, on supporte, et on applaudit. La finale reste une finale et l’amour du jeu est tel que les esprits peuvent, parfois, s’échauffer. Diawé, jeune arbitre à l’Urban de football a été sollicité pour les besoins de cet évènement. Il avoue avoir eu des difficultés à faire respecter son arbitrage. « Ce ne sont pas des joueurs qui ont l’habitude de jouer à l’Urban, ils ne doivent pas faire de compétition dans la vie de tous les jours».

140 joueurs, dont 70 migrants et personnes vivant en centres d’hébergement. Au départ, il y avait 14 équipes masculines parlant la langue universelle du ballon rond, et uniquement deux équipes féminines. De quoi faire un match, mais pas un championnat féminin.

En vue du succès de l’opération, recommencer ce championnat à la rentrée semble une évidence. La première saison étant achevée, les organisateurs souhaitent élargir l’accès à d’autres profils comme, par exemple, les mineurs isolés.

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