Dès ses débuts, l’artiste plasticien Alexis Peskine a marqué le public avec le thème de « L’expérience noire ». Toutes ses oeuvres évoquent de façon poétique et énigmatique la relation de domination entre l’Europe et l’Afrique. L’année 2017 marque son grand retour [1]. Jusqu’au mois de mai, il est exposé à La Villette, dans le cadre d’Afriques Capitales. On y retrouve des photos, vidéos et installations ainsi que l’acu-peinture, une technique où il plante des milliers de clous sur ses tableaux et qui a su le démarquer de ses pères. 

Propos recueillis par Hanazade Mradabi

De part vos origines russes et afro-brésiliennes, peut-on dire que vous êtes un artiste « poly-identitaire » ? 

L’identité est composée de beaucoup de choses et chacune apporte des nuances. Il y a l’identité religieuse, l’identité linguistique, l’identité du corps de métier. Il y a aussi la sexualité. On dit de moi que je suis poly-identitaire mais tout le monde l’est. Nul besoin d’être métisse. C’est d’ailleurs pour ça que je m’intéresse plus à « L’expérience noire » qu’à la personne noire. Jeune, j’ai vu des injustices, cela fait partie de mon histoire. Beaucoup de gens en ont vu, en ont vécu et ont décidé de ne pas se focaliser dessus. Mais moi, ce sujet m’a toujours intéressé. 16387205_10154893280740645_5057034061792564931_nMon but n’est pas de montrer l’homme noir comme une victime. Des images de ce genre, on en voit assez. Les personnes que je représente ont toujours le pouvoir de choisir. Je pense qu’il est plus intéressant de montrer leur créativité, leurs atouts et leur force. L’enjeu est de montrer qu’il y a des problèmes en Afrique mais qu’on a le potentiel pour les transcender. Je veux montrer qu’on a toutes les cartes en mains pour avancer.

Pourquoi mélanger des images de traite négrière avec des personnages connus comme Monsieur Propre ou Astérix ?

J’aime les personnages qui ont du charisme. Je me documente pour nourrir mes œuvres, je fais des recherches. J’essaie de susciter une émotion qui va intéresser visuellement, qui va attirer l’attention et qui va peut-être questionner. Je colle à une esthétique qui me correspond. Je ne fais pas de l’embellissement, c’est ma vision. Je suis artiste, et les images que je crée ce n’est pas quelque chose de documentaire. J’ai un point de vue qui peut être engagé, parfois même militant.

Quelles sont vos influences ?

Elles sont nombreuses et ce ne sont pas forcément des plasticiens, comme, par exemple, les artistes contemporains, Hank Willis Thomas et Delphine Diallo. Je peux aussi être influencé par des chorégraphes, des réalisateurs, comme Michel Gondry, des photographes de mode ou des musiciens comme Janelle Monàe. C’est tout un univers, ça peut même être des souvenirs d’enfance. C’est une addition de plein d’expériences. Pour ma dernière vidéo j’ai acheté des tissus au Ghana, ce sont de très beaux tissus Kenté que l’on met dans les cérémonies, et que les rois aussi avaient. La mannequin était maquillée par la talentueuse Fiona Pocaud et coiffée par l’artiste capillaire Murielle Kabile. J’ai acheté les étoffes au Ghana pour la sublimer, je ne suis pas là pour montrer des filles en jean.

N’avez-vous pas peur de rester enfermé dans « L’expérience noire » ?

En tant qu’artiste, il ne faut pas avoir peur, il faut avoir envie. Si un sujet me touche, je vais l’exprimer à travers des images. On peut me passer des commandes mais il faut que j’ai envie de les faire. Si je n’ai pas le temps, si j’estime que c’est trop précipité, que c’est associé à des idées qui ne me correspondent pas, je ne le fais pas. « L’expérience noire » est ma vision. Il y aura toujours des personnes à qui ça ne va pas plaire, mais c’est justement une dynamique intéressante. Il y a tellement de chose à évoquer dans « L’expérience noire » et de façon tellement différente, que je pourrais passer ma vie à faire ça.

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[1] Alexis Peskine a présenté ses nouvelles créations dans trois expositions parisiennes : Salon Zürcher Africa à la galerie Zürcher, à Art Paris Art Fair ainsi qu’au Grand Palais.

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