Suite à l’appel aux candidats lancé le 24 janvier 2012 par Terra Nova et Respect Mag, une soirée-événement en guise de mobilisation a été organisée le lundi 3 avril 2012. Une réussite pour les organisateurs qui ont réuni à la Bellevilloise près de 400 personnes, investies par la volonté d’être plus visibles dans notre société.

« Il ne me suffit pas de savoir combien de temps il me faudra vivre avec ce système, je ne l’accepterai jamais, je me battrai jusqu’à ce qu’il s’effondre. » C’est dans la peau de Martin Luther King que le comédien et metteur en scène Jean-Michel Martial introduit la soirée « France métissée » de ce lundi 3 avril. L’événement fait écho à l’appel aux candidats lancé par Terra Nova et Respect Mag en janvier dernier. Ce soir, comme souvent d’ailleurs, La Bellevilloise a ouvert ses portes à 400 personnes d’apparences différentes qui feraient, selon l’historien François Durpaire, « une très belle assemblée nationale ». Il est l’un des contributeurs de l’appel réunissant 16 propositions innovantes pour la représentativité et l’équité des minorités visibles. Son idée ? « Que chaque parti politique laisse 60 circonscriptions à des citoyens issus des minorités et que l’on s’en serve comme force pour être plus inventifs »

Car pour Olivier Ferrand, président de Terra Nova et à l’initiative du projet, « la diversité est un thème orphelin de la campagne et abordé sur le mode du rejet, alors même que la France métissée reste émergente et majoritaire ». Avec des contributeurs comme la chroniqueuse Rokhaya Diallo, l’universitaire Esther Benbassa, l’historien Pascal Blanchard et bien d’autres, ils ont pensé à des suggestions qui sont déjà mises en œuvre dans des pays comme le Canada ou les États-Unis.

C’est dans une salle habillée par l’artiste Alexis Peskine, dont les personnages grisés s’enveloppent de couleurs rouge, blanche et bleue, que les personnes investies dans le projet sont réunies. « Cet appel assume l’inassumable ou, en tous cas, l’inassumé d’une France qui se veut aveugle à la couleur et qui pourtant pratique quotidiennement le contraire de cette théorie », affirme Marc Cheb Sun, directeur de Respect Mag, également à la base de l’idée avec Terra Nova.

Pour la politologue Françoise Verges et l’historien Pascal Blanchard, interviewés devant l’assistance par la journaliste Anastasie Tudieshe, c’est un désir légitime. L’une rappelle que « la manière de voir l’histoire de France est étroite et hexagonale alors que, dès le 17e siècle avec l’esclavage, il y a des liaisons entre la France, l’Afrique, les Caraïbes et les États-Unis ». L’autre ajoute que « construire la nation de demain, c’est connaître le passé, pour être un citoyen pleinement en écho de sa société ». Ils ont respectivement proposé la création d’un espace citoyen autour des mémoires des minorités ; et l’application du rapport Médias et diversité, qui préconisait en 2010 l’attribution de bonus pour toutes les fictions et tous les documentaires favorisant la diversité.

La culture est également mise à l’honneur. Un extrait de Trick Baby est diffusé. Ce film de Marie Vanaret, qui retrace l’histoire d’un métis à la peau blanche et à la recherche d’une conscience noire métissée et multicolore, peine à trouver des financements.

Les textes des slameurs Blade et D’de Kabal émeuvent le public. Ce dernier déploie dans la salle les vibrations de la révolte : « Sans vigilance la France s’enfoncera à pas de Guéant. Il n’a jamais été question de dire regardez ce qu’on nous a fait, mais plutôt écoutez donc qui nous sommes. »

C’est comme bouleversée par les mots qu’elle vient d’entendre que la romancière d’origine camerounaise Léonora Miano prend le relai. De sa voix rauque et envoutante, elle parcourt l’extrait d’un de ses romans. « Il leur a fallu jouer les sauvages pour être en haut de l’affiche », rappelle-t-elle, faisant probablement référence à « la danse sauvage » de Joséphine Baker dans les années 1920.

Un rassemblement qui met en valeur les modèles de réussite de cette autre France. Des penseurs d’origines diverses, mais tous Français, que notre république peine à reconnaître. Un évènement qui laisse rêveur mais qui donne espoir… ou pas, car selon Youssouf, venu en tant que spectateur, « il est dommage qu’on en soit encore à faire ce genre de soirée-là ».

Ayann Koudou

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