Au Canada, les Amérindiens luttent pour préserver leur environnement et leur droits à disposer de leur terre ancestrale. Lors d’un atelier au FSM, des militantes retracent leur mobilisation face aux compagnies et au gouvernement depuis 2013.
Par Assa Diarra.
a luttes des peuples autochtones au Canada, en particulier celui contre l’exploitation du gaz de schiste, est un sujet épineux qui brasse des enjeux sociaux, économiques et environnementaux considérables. Widia Larrivière, Mélanie Lumsden et Gabrielle Ross-Marquette sont spécialement venues en parler au Forum Social Mondial de Tunis.
Le Canada compte 35 millions d’habitants, dont près de 1,2 millions d’Amérindiens. Les différents peuples autochtones sont tous victimes de l’exclusion et la discrimination, y compris de la part du gouvernement canadien, responsable, selon Widia Larrivière, d’une politique de « génocide culturel » .
Aujourd’hui, les terres des Amérindiens sont l’objet des convoitises des compagnies pétrolières. Gabrielle Ross-Marquette, étudiante à l’Université d’Ottawa évoque le cas de la lutte contre le gaz de schiste dans l’Etat du Nouveau Brunswick où les peuples autochtones représentent 2,5% de la population.
Le gaz de schiste est un gaz naturel présent dans des roches que l’on ne trouve qu’à grande profondeur. Gabrielle Ross-Marquette explique que l’extraction du gaz de schiste est complexe : « Il faut opérer une fracturation qui se fait par le biais d’injection d’eau sous très haute pression dans laquelle est contenue un certain nombre de substances chimiques ». Ce procédé est interdit dans de nombreux pays notamment en France depuis le 13 juillet 2011, en raison des risques liés à l’environnement et à la santé.
En 2010, le département des ressources nationales du gouvernement du Nouveau Brunswick n’a pourtant pas hésité à céder à l’entreprise SWN Resources 1,4 hectares de terrains publics et privés sur lesquels vivent plus de 100 communautés autochtones, dont les Mi’kmaqs. L’objectif était de réaliser des tests en vue d’une éventuelle implantation pour exploiter du gaz de schiste.
Droit des peuples VS relance économique
Aucune « concertation ni discussion n’a eu lieu avec les peuples autochtones présents sur ces terres », déplore Gabrielle Ross-Marquette. La raison est simple : le gouvernement voit dans l’exploitation du gaz de schiste une manne financière non négligeable, dans une région où le taux de chômage est le plus élevé de tout le pays et la dette publique dépasse les 10 milliards de dollars.
En 2007, l’ONU adoptait la Déclaration des droits des peuples autochtones. Un an plus tard, le gouvernement canadien créait une Commission de vérité et de réconciliation comme acte de reconnaissance de la colonisation et de ses conséquences sur les Amérindiens. Pour autant le Canada n’a toujours pas ratifié la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail qui accorde aux peuples autochtones un droit de regard sur les activités qui ont lieu sur leurs terres.
L’été 2013, les Mi’kmaqs du Nouveau Brunswick se sont alors organisés contre l’orientation politique du gouvernement. Ils sont pacifiquement entrés en résistance en allumant un feu sacré sur l’un des sites qui accueillent les tests de forage. L’entreprise en cause bénéficia d’une protection policière renforcée, face à des manifestants autochtones venus revendiquer le droit d’être intégrés dans le processus de décision.
Quelques semaines plus tard, on assista à une recrudescence de tensions lorsque l’entreprise fut de retour pour d’autres tests. « Armés et accompagnés de bergers allemands, les policiers ont effectué une quarantaine d’arrestations », raconte Gabrielle Ross-Marquette qui a consacré mémoire d’étude sur le sujet.
La résistance porte ses fruits.
Un début de changement plane cependant dans les airs. En 2014, le parti conservateur au pouvoir perd pour la première fois les élections législatives du Nouveau Brunswick, au profit du parti libéral qui propose un moratoire sur la question. Les responsables politiques mais aussi la justice semblent avoir pris la mesure des enjeux en présence. La Cour Suprême du Canada a reconnu dans la décision Elsipogtog, le droit des peuples autochtones à lutter pour assurer leur survie et subsistance sur leurs terres ancestrales.
Si la lutte est loin d’être gagnée, Gabrielle Ross-Marquette note que la « résistance et la résilience des Mi’kmaqs ont permis de sensibiliser la population non autochtone ».