Admirées, insultées ou respectées, les Black Queers souffrent encore de fortes discriminations en France. Au sein des familles comme dans la société, l’homophobie reste souvent violente et le chemin vers la tolérance encore loin. Témoignages.

Elles sont admirées pour leur grâce et leurs chorégraphies extravagantes. Elles tirent leurs poses de magazine de mode « voguing » à l’occasion des bals nocturnes. En dépit de leurs succès, elles gardent en général cette partie d’elles assez discrètes dans la journée. Car leurs comportements changent en fonction des lieux et des personnes qui les accompagnent. Pour les voir Queer, « telles qu’elles sont », il faut passer minuit et aller dans le quartier du Marais à Paris.

Tout dépend quel type de Queer vous recherchez. Si vous recherchez un « bear », « homme ours et barbus », vous devez vous rapprocher de la rue des Archives et vous rendre au bar Tapette Market. Si vous recherchez une « stud », «femme androgyne », ou une butch, «femme masculine », rendez vous au 3W café, et pour les autres promenez vous dans le quartier.

Terme d’origine anglo-saxonne apparu dans les années 1980, Queer était initialement utilisé pour définir les orientations et les comportements sexuels jugés différents par l’opinion publique comme : « étrange », « louche », « de travers ». Aujourd’hui, s’il est devenu une insulte du vocabulaire populaire équivalent au français « pédé » ou « gouinasse », les communautés LGBTQ se le sont réappropriés de manière à en faire un symbole d’autodétermination et de libération plutôt qu’une insulte.

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Lasseindra Ninja l’introductrice du voguing en France

Car être Queer en France n’est pas aussi bien vu que chez nos voisins scandinaves, plus encore si vous êtes Noir.

En témoigne Thierno, jeune développeur web d’origine sénégalaise de 30 ans : «J’ai fait mon coming out à 25 ans suite à un mariage imposé par mes parents. Je ne voulais pas gâcher la vie de ma future épouse ainsi que la mienne en me mentant à moi-même. Lorsque j’ai révélé être homosexuel mon père à cru que j’étais sous l’emprise d’esprits qui me poussaient à être attiré par les hommes… J’ai alors été chassé de chez moi, renié par mon père et mes frères. J’ai essayé de trouver refuge chez des membres de ma famille qui n’ont même pas voulu m’écouter. Je suis tombée dans la prostitution, j’avais beaucoup de succès avec les vieux et tout cela a subvenu à mes besoins autant qu’alimentaire que pour mes études. Aujourd’hui je suis heureux de pouvoir vivre comme je suis, je ne crie pas que je suis gay sur tous les toits encore moins dans la communauté noire. Je me lâche uniquement si je suis avec des copines gays blacks ». 

Alya, pansexuelle de 28 ans, décrit quant à elle une discrimination liée à la couleur de sa peau et à la sexualité : « Dans la société, la femme noire est perçue comme une sorte de fantasme depuis la traite négrière. Les rapports entre femmes noires et les hommes blancs peuvent être très complexes. 60 % des jeunes parisiens qui m’ont dragué ont toujours à un moment donné fait une allusion du genre : « à ce qu’il paraît vos phéromones sont plus fortes que les nôtre » ou « vous êtes plus douées que les Blanches ». C’est mon quotidien ! Je me bats tous les jours pour me faire ma place dans la société en tant qu’être humain de sexe féminin, Noire, en France. »

Choquant ? Pourtant ces comportements ne datent pas d’hier, ces stéréotypes sexistes et racistes ressemblent étrangement à la rubrique « Négresse » parue dans Le Dictionnaire des idées reçues, un livre inachevé de Gustave Flaubert publié en 1913, où l’on peut lire : « Nègresses: Plus chaudes que les blanches. » 

En étant discriminées par leurs proches, certaines Queer Blacks se réfugient vers la communauté Queer dans le but de se faire comprendre et accepter. Mais elles découvrent avec stupéfaction une autre forme de discrimination, cette fois basée sur la couleur de leur peau, comme le confie Daniel, un jeune d’origine nigériane de 23 ans qui prend l’exemple symbolique de la presse LGBT : « J’ai cherché des blogs et magasines pour nous, et fait par nous, car pour moi, les témoignages sont des ressources naturelles qui peuvent te faire voir nos soucis sous un autre angle. Mais les seuls que j’ai pu trouver viennent de Londres ou des États-Unis. En France il n’y a rien. Si l’on regarde tous les magazines pour Queer vous ne verrez aucun Noir en couverture car les rédacteurs en chefs prétexteront que ce n’est pas vendeur, ou rare sont les Noirs qui osent prêter leur image pour un magazine à destination de la communauté. Pour moi cela a été un mal pour un bien car j’ai me suis forcé à perfectionner mon anglais ! [rires] Mais le problème reste là, car il faut qu’il y ait des rédacteurs en chefs « Black and Queer » qui puissent assumer cette posture. »

C’était le cas avec la création le 6 mars 2013, du premier média consacré aux lesbiennes et bi-sexuelles afro-caribéennes, le Dolly Stud Magazine. Les lesbiennes féminines et masculines se retrouvaient sur ce nouveau site web comme lieu d’échanges, de partages et de rencontres pour les filles.

Le media avait tenu face aux violents commentaires homophobes, issus à 95% la communauté afro-caribéenne. Après deux ans d’activité et suite à plusieurs menaces de morts, les fondatrices ont dû fermer leur site.

L’homophobie perdure aux dépens de la liberté de ces femmes. En attendant les blacks Queer restent souvent dans l’ombre devant la communauté africaine et vivent leur vie à l’abri des regards indiscrets.

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