Qu’est-ce qu’une existence sans pouvoir se faire entendre ? Au Forum social mondial, tous les oubliés de la société peuvent s’exprimer. Ayann Koudou (journaliste) et Khalid Nahi (vidéo et montage) ont écouté le cri des Sénégalais sur leurs difficultés à gagner leur vie.

Nous sommes deux jeunes étudiants en journalisme, et participons pour la première fois à un Forum social mondial. Devant l’immensité de l’université et ne sachant quel sujet choisir, nous décidons de sortir le matériel. Il y a du monde, la curiosité nous démange.

Une caméra, un micro, juste ce qu’il faut pour rendre la journée palpitante. Les mouvements de foule nous entraînent en terre inconnue. Des stands, des associations… le monde des petits est en ébullition.


FSM dakar – Reportage « Les travailleurs du… par reportercitoyen
Nous décidons d’aller interroger les syndicalistes sénégalais. Nous voudrions savoir ce qu’ils revendiquent et quelles sont leurs actions. Parmi toutes les tentes, nous apercevons sans étonnement celle de la CGT : ils pourront certainement nous renseigner. Mais Christian Pilichowski, responsable de la Fédération de la métallurgie, nous explique la CGT n’est pas associée aux syndicats sénégalais sur le forum. Sous la même tente, un petit groupe autour d’un « blanc », dont le style vestimentaire rappelle celui des explorateurs du début du XXe siècle, il ne lui manque que le lasso !

J’arrive enfin à rencontrer un sénégalais syndicalisé. Malheureusement pour moi, et heureusement pour lui, il est jeune retraité. Cet ancien boulanger, ex-secrétaire administratif de la CNTS, me parle de cette organisation qui a reçu à ses débuts des financements italiens. Grâce au syndicat, qu’il remerciera à plusieurs reprises, il a connu ses droits et obtenu des avantages.

Puis un homme se présente à nous. M. Benson profite de notre caméra pour faire passer un message. Il est le représentant pour l’Afrique de l’Ouest de Fairtrade Africa, qui promeut le commerce équitable. Il nous rappelle combien cette activité est bénéfique pour les petits producteurs locaux, il explique que cela permet de construire des écoles, d’avoir l’accès à l’eau potable, de développer des projets en collaboration avec les producteurs et de leur donner un pouvoir de décision.

Notre quête continue, mais elle en est plus une. A présent, ce sont les Sénégalais qui viennent nous voir. Des jeunes, des plus vieux, surtout des hommes viennent nous parler de leurs problèmes et de leurs conditions de travail. Au départ, nous avons tenté de leur expliquer ce qu’était notre sujet. Mais leur désir de témoigner était beaucoup plus fort que notre envie de rester cantonnés à un angle précis. Après un enchaînement de sollicitations, nous nous sommes aperçu que les personnes interviewées avaient elles-même choisi de quoi parler : leurs conditions de vie de plus en plus dures, leurs difficultés à avoir un emploi et à faire vivre leurs familles.

Une voix commune s’est élevée. Mon interprétation de tous ces témoignages est la suivante : « Nous avons besoin de raconter au monde ce que nous vivons au quotidien, nous travaillons dur sans reconnaissance. Si le FSM avait eu lieu sur un autre continent, nous n’aurions pas pu y participer. Vous pouvez venir chez nous, mais nous sommes interdits de territoire chez vous. Pourquoi tant d’injustice ? Regardez-nous, écoutez-nous, donnez-nous les moyens de nous exprimer ! »

Un cri poignant, un regard qui en dit long… et toujours très peu de solutions. Mais ce peuple a une force essentielle : il sait se rassembler. Le Forum social mondial nous le prouve : durant notre sélection d’images, nous avons pris connaissance d’une « déclaration de Dakar » internationale pour les travailleurs du secteur informel. De nombreux participants du monde entier ont rendu visite au stand de la Symad (Synergie des marchands « ambulants » pour le développement), d’où est sorti ce commencement de projet.

Ayann Koudou

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