Un an après avoir démarré un mouvement de grève pour leur régularisation, des centaines de travailleurs immigrés sans titre de séjour occupent la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Avant l'été, c'était le parvis de l'Opéra Bastille. Reporter citoyen était allé leur rendre visite. Portraits et témoignages.

La figure du déraciné, de l’exilé, de l’étranger ou du sans papiers est aujourd’hui un enjeu politique majeur en France. C’est même devenu l’objet d’un débat acerbe, visant à favoriser les positions extrêmes à l’égard de l’étranger à l’image de la triste actualité de notre pays.

Depuis octobre 2009, des milliers de travailleurs sans papiers, pour la plupart d’origine africaine, ont débuté une grève qui a conduit début mai 2010 à l’occupation symbolique du parvis de l’opéra Bastille avec pour slogan « On vit ici, on bosse ici, on reste ici ». Ces hommes et femmes ont contribué à faire fonctionner l’économie de secteurs comme le bâtiment, l’hôtellerie, le nettoyage, la restauration ou l’intérim. Ils possèdent des fiches de paie, ils paient des cotisations, leurs enfants sont scolarisés, mais la plupart résident dans la clandestinité en France depuis des années.

Cette véritable lutte pour la « liberté » s’est soldée le 19 juin dernier par l’évacuation du parvis suite à un accord avec le gouvernement pour un « réajustement » de la circulaire du 24 novembre 2009 sur la régularisation par le travail.

Peut-on parler de victoire pour autant ? Pas vraiment. Car rien n’a bougé depuis cette date. Depuis le 7 octobre 2010, 500 grévistes occupent un autre lieu symbolique, la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, avec le soutien de 11 organisations (CGT, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, RESF, Autremonde, Cimade, Femmes Egalité, Droits devant, Ligue des droits de l’homme), pour réclamer le respect des engagements pris en juin dernier par le ministère et le retrait de la nouvelle loi Besson sur l’immigration. En face, le gouvernement affirme que nombre de dossiers de régularisation seraient incomplets, mais comment pouvoir fournir des preuves tangibles quand la plupart travaillent au noir ?

Dans ce lieu vestige de l’ancienne domination coloniale, la France semble oublier son histoire. La Révolution française à forgé l’identité d’une nation terre de refuge pour tous les opprimés. Les révolutionnaires, et les philosophes des Lumières eux-mêmes, faisaient de la France une terre d’accueil pour tous les bannis de la terre. Dans son Essai de Constitution, Saint Just disait : « Le peuple français se déclare l’ami de tous les peuples ; il respectera religieusement les traités et les pavillons ; il offre asile dans tous ses ports à tous les vaisseaux du monde ; il offre un asile aux grands hommes aux vertus malheureuses de tous pays ; ses vaisseaux protégeront en mer les vaisseaux étrangers contre les tempêtes. Les étrangers et leurs usages seront respectés dans son sein. » (1)

Cette vie indigne à vivre, faite de peur et d’exploitation, Reporter citoyen tente de vous la faire partager avec ce reportage réalisé le vendredi 19 juin, la veille de la « victoire » des occupants. Tentons de le rappeler à nos politiques.

Sofien Murat

(1) Saint Just, Œuvres Complètes, Champ Libre, Edition Gérard Lebovici, Paris.

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