En juin 2010, nous avions quitté Mohamed en pleine lutte devant le parvisde l’Opéra Bastille. Quelques mois plus tard, Sofien l’a retrouvé pour faire le point sur sa situation personnelle et celle des autres sans-papiers.
« Je me sens normal ». Régularisé depuis trois mois au terme de cinq ans de clandestinité, Mohamed n’en rajoute pas. Mais il n’oublie pas le passé pour autant : « Je peux maintenant sortir dans la rue tranquillement ». Depuis l’obtention de son titre de séjour début octobre, Mohamed a ainsi pu commencer son projet professionnel en tant que magasinier cariste en intérim.
Depuis la « promesse » du gouvernement d’un « addendum » à la circulaire du 24 novembre 2009, autorisant la régularisation par le travail des milliers de grévistes, sur 1 800 dossiers déposés en juin, à peine quelques centaines de récépissés ont été délivrés. « On a envahi la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) pour avoir des réponses, explique Mohamed, carbeaucoup de dossiers sont toujours sans réponse. » Pourquoi la CNHI ? « C’est un symbole de l’immigration, c’est donc l’occasion de montrer que rien ne va pour nous, les immigrés ».
Malgré sa régularisation, Mohamed poursuit la lutte avec ses confrères : « Quand on a vécu cela soi-même, c’est normal de partager avec les collègues ». Il rappelle le leitmotiv de leur lutte : « On vit ici, on bosse ici, on reste ici ! ». Et regrette que « tous les immigrés qui travaillent pour la France, cotisent, paient des impôts, ne puissent pas y travailler en toute légalité ». Puis, avec lucidité il ajoute : « De toute façon, la France aura toujours besoin d’immigrés ;cela permet à un pays de fonctionner ».
La lutte continue pour ces travailleurs de l’ombre. Un accord a été trouvé le 10 décembre avec la direction du musée. « Nous quittons les lieux la nuit et revenons le matin pour poursuivre la lutte. » Mohamed n’abandonnera pas la lutte avec ses camarades. « Si j’ai gagné, c’est grâce à eux. De toute façon, l’union fait la force ». Avant de conclure sur une note d’optimisme : « Je pense que le gouvernement finira par les régulariser ».