REPORTAGE. Le dimanche 19 mars, un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle, plusieurs milliers de personnes défilent dans les rues de Paris pour dénoncer les violences policières et réclamer justice et dignité. Un message à l’intention notamment des candidats à la présidence.
Par Hanazade Mradabi
« Nos enfants ne sont pas des racailles ! » clame la pancarte avec laquelle se déplace une mère de famille. Le dimanche 19 mars, la Place de la République, à Paris, accueille quelques dizaines de milliers de personnes venues participer à la Marche pour la justice et la dignité. Plusieurs collectifs contre le racisme, contre le fascisme et contre les violences policières ont réuni des citoyens – et futurs électeurs – pour exprimer leurs mécontentements à l’encontre de la police et des injustices faites aux minorités. De la place de la Nation jusqu’à celle de la République, on peut lire des slogans comme « Justice ! » , « Antifasciste », « Antiraciste », « Adama, Théo, Zyed et Bouna, on n’oublie pas », « Oui à l’accueil des migrants » ou encore « Police, milice de l’Etat fasciste ». Dans le cortège, on trouve quelques partisans de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron, qui se félicitent de leurs derniers meetings, des syndicalistes de la CGT, des représentants de foyers de travailleurs migrants réclamant une vie digne ainsi que de nombreuses personnes déçues des dernières réformes. Certains manifestants ont collé sur eux des autocollants « En 2017 je ne vote pas ».
Sur le boulevard Voltaire, une jeune aide soignante, Nasma, rejoint la manifestation en passant un « mur » de CRS. Elle est embêtée : « Je viens de recevoir ma carte d’électeur. C’est bien, mais je ne sais vraiment pas pour qui voter. Il n’y a personne d’honnête. » Une défiance vis-à-vis des politiques est palpable dans la foule. Les marcheurs hurlent : « Pas de justice, pas de paix ! », « Police partout, justice nulle part ». Tous avancent, fermement décidés à faire entendre leur voix. A contre courant de la foule, Maliya distribue des tracts annonçant la sortie de son livre « Marianne, la sœur du dealer », qu’elle a auto-édité. Elle y raconte comment sa famille a été punie en même temps que son frère. Leur bail HLM a été rompu après sa condamnation. En effet, en novembre 2016, l’Assemblée nationale a voté l’amendement 666-2 à la Loi Egalité et citoyenneté, selon lequel un bailleur peut demander l’expulsion de son locataire lorsqu’il a fait l’objet d’une condamnation pour achat, trafic ou vente de drogue. N’ayant nulle part où se loger, la famille de Maliya est en attente de l’expulsion. D’autres familles racontent aussi leur histoire et cherchent du soutien dans leur démarche judiciaire. Les participants parlent de justice à deux vitesses.
La place de la République se remplit. Un membre du Collectif antinégrophobie monte sur un char et fait face aux manifestants. Il prend le micro et dénonce : « L’Etat d’aujourd’hui ment, l’Etat d’aujourd’hui divise. Et il peut faire pire avec la police. Il faut être vigilant. La France n’est pas une race. La France est un projet humaniste, elle accueille les diversités. Notre devoir est de manifester. Notre devoir c’est d’être ici, et ce n’est que le début. » Tout le monde applaudit son intervention. Sur la place, tous profitent de l’ambiance conviviale et sécurisante. Les merguez grillent, des manifestants fument et des enfants gambadent au milieu de la foule. Néanmoins la surveillance est accrue par les forces de l’ordre. La place est fermée, des barrages sont formés, des militants fouillés. Un hélicoptère quadrille le périmètre.
Une effervescence se forme autour de la scène qui compte comme Kery James, Youssoup