En ce début de printemps, les Reporters Citoyens ont vécu une semaine de stage intensif à LaTéléLibre. Voici le travail du groupe encadré par Camille Saiseau, cameraman à LaTéléLibre. Autour de lui, et c’est leur premier reportage, Charles Mabou (Paris 19e), Maëva Fuenzalida (Paris 20e) et Alexandre Ben Hamida (Corbeil-Essonnes).
Partis enquêter sur la tension présumée entre les riverains de la Place de la République à Paris et les jeunes skateurs jugés trop bruyants, il sont tombés nez à nez avec une jeune skateuse française au délicieux accent anglais. Leur reportage en a été bouleversé…
Charlie, La Skateuse de la Republique par reportercitoyen
La place des femmes dans le skateboard : une reconquête flamboyante
Les femmes aiment le skateboard depuis ses débuts, certaines se sont même hissées aux côtés des skateurs les plus emblématiques. Cependant, encore méconnues voire ignorées, elles revendiquent leur place aux côtés des hommes.
Être une femme dans ce milieu dit « de garçons » te pousse à t’affirmer et t’imposer malgré les difficultés rencontrées.
Sous le soleil de ce jeudi 6 avril, à Paris, Place de la République, les skateurs se rassemblent parmi les passants pressés et les enfants en vacances. De tous âges, ils s’entraînent sur un bout de la place. En s’approchant, on entend le grondement cadencé des roues entrecoupé par le claquement des planches. Au milieu de ce ballet cahotant, une seule skateuse est présente sur le flat[1] : Charlie, jeune femme aux cheveux châtains, les écouteurs dans les oreilles et le sourire aux lèvres. Le skateboard est son mode de vie : « J’aime la liberté qu’offre le skateboard, et mon métier de bar tender me permet de voyager partout dans le monde ». Lorsqu’elle est sur sa planche, ses pensées sont partagées entre l’appréhension de la chute et l’histoire du skateboard.
Les surfeurs californiens ont créé le skateboard pour s’occuper les jours de « flat », de mer plate. Cette discipline naissante intéressait les filles et les garçons. Auteur de Skateboard Mom, Barbara Odanaka témoigne de cette hétérogénéité « Il n’était jamais question de genre lorsqu’il s’agissait de skateboard. Je ridais tout simplement avec mes amies. » Dans les années 60, des sponsors organisent les premières compétitions, d’où émergent les premiers skateurs professionnels comme Patti McGee. Dans les années 70 à 80, des skateurs comme Alan Gelfand et Rodney Mullen créent les premières figures qui poseront les bases de la technique du skateboard. Les femmes continuent de s’illustrer dans la discipline, à l’image de Peggi Oki, unique femme de l’influent groupe des Z-Boys. Dans les années 90, l’industrie du skateboard, visant un public masculin, fusionne la mouvance punk/rock au skateboard et cantonne les femmes au rôle de groupies.
Depuis plusieurs années les femmes sont de plus en plus nombreuses dans le milieu. Les débuts sont parfois durs comme pour Charlie : « En tant que femme ce n’était pas évident de m’introduire dans ce milieu. J’ai été victime de discrimination, de harcèlement. Il y avait les regards désobligeants, les remarques sexistes « tu es une fille, tu n’y arriveras pas », les insultes et l’intimidation, les skateurs me coupaient dans mon élan ou me frôlaient pour m’effrayer. J’ai dépassé ça pour continuer de m’affirmer dans ma passion, certains commencent alors à te respecter, puis t’acceptent voire t’admirent. » Cette nouvelle génération de skateuses s’inspire des pionniers de la discipline et de championnes, comme Lacey Baker et Leticia Bufoni. Les skateuses se soutiennent et s’organisent pour promouvoir leur discipline. L’ONG Skateistan sensibilise les enfants aux responsabilités citoyennes par le skateboard.
Ces initiatives et les étoiles montantes du skateboard tendent à faire changer les mentalités. Ce sont autant de sources d’inspiration pour des femmes comme Charlie : « Ma planche est ma meilleure amie, je passe des heures en session avec elle. Aller où je souhaite sans aucune contrainte me donne confiance en moi. Être une femme dans ce milieu dit « de garçons » te pousse à t’affirmer et t’imposer malgré les difficultés rencontrées. » Sans minimiser les risques que présente la pratique du skate, elle ajoute : « Prendre ces risques pour exercer sa passion et s’amuser, c’est valorisant, exaltant et cela permet donc de s’affirmer encore plus en tant que femme skateboarder. » L’intégration du skateboard à l’environnement urbain, sa popularisation, et la réaffirmation de ses valeurs, sont les éléments clés du renouveau de la discipline qui donne de l’espoir à Charlie comme à d’autres femmes. « J’aimerais que la pratique du skateboard soit moins polluée de préjugés. Je souhaiterais que les mentalités s’ouvrent : quelle que soit la personne sur la planche, l’important n’est ni son sexe ni même son style mais son esprit (skate or die). »
[1] Désigne le sol sur lequel les skateurs exécutent les figures, ainsi qu’un style de skateboard qui n’utilise aucun module pour ses figures.