Quelles sont les obligations d’accessibilité des personnes à mobilité réduite quand il s’agit de réhabiliter des immeubles anciens ? Et comment ces normes sont-elles appliquées à Créteil ? Khalid Nahi (Reporter citoyen) et Pierre Bachelet (Conseiller de quartier) ont mené l’enquête.
Le 11 février 2005, une loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, physiques, sensorielles, mentales et psychiques, a vu le jour. Il a fallu cette loi pour accepter l’intégration sociale des personnes à mobilité réduite, dans l’éducation, le travail ou le logement. C’est à ce dernier aspect que nous nous sommes intéressés, pour tenter de savoir quelles sont les obligations concernant l’accessibilité des personnes handicapées, dans les habitations collectives neuves ou et en rénovation, et comment elles sont appliquées à Créteil.
« Une circulaire interministérielle du 30 novembre 2007 impose une norme pour toutes les habitations neuves : 2 % de logements adaptés, le plus souvent au rez-de-chaussée, et toutes les accessibilités aux parties communes, comme le parking, la porte d’entrée ou l’adaptabilité de l’ascenseur », explique Ségolène Gobet, chargée de mission handicap au CCAS (centre communal d’action sociale) de la ville de Créteil. « En revanche, pour les logements collectifs en rénovation, il faut faire le maximum et dans la mesure du possible. Si c’est un problème de coût, on peut obtenir des subventions régionales. Mais si c’est un problème technique, comme un manque de place pour installer un ascenseur, là on ne peut rien faire », précise-t-elle.
Ainsi, pour les tours du quartier de l’Abbaye, « la réhabilitation en cours n’impose pas de faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite, mais on ne peut pas aggraver la situation par rapport à l’existant », explique Philippe Chicoisne, chargé d’opération à l’office HLM Créteil Habitat. La place compte quatre ensembles, un à chaque coin, tous composés d’une tour de 14 étages et d’une autre de 8. Seules ces dernières peuvent abriter des personnes handicapées, et encore seulement sur quatre étages, ceux qui sont directement accessibles par ascenseur. « Des pôles d’accueil, qui devront satisfaire aux normes d’accessibilité, seront créés en bas de chaque ensemble, poursuit Philippe Chicoisne. Mais il reste techniquement impossible de créer des places de parking handicapés au pied des tours ». Au total, les quatre blocs d’habitations proposent tout de même 48 logements aménageables.
Le quartier des Bleuets, également en cours de réhabilitation, représente un cas bien particulier. « Une partie est labellisée “patrimoine du XXe siècle”, ce qui rend difficile la modification de cette œuvre artistique, pour la partie visible », explique Rémi Lavillonnière, responsable du projet de rénovation urbaine de ce quartier à l’office d’HLM Efidis. « Il ne faut pas oublier que ces constructions datent des années 1960. Alors nous faisons le maximum d’aménagements, dans la mesure du possible, pour toutes les accessibilités aux parties communes », précise Nathalie Lalardie chargée de l’opération chez Efidis. Et elle ajoute : « Par exemple, nous aménagerons les appartements du rez-de-chaussée sur demande ».
Chaque personne à mobilité réduite est un cas particulier. Il est donc difficile de concevoir a priori des appartements ou maisons types. C’est pourquoi il faut faire après coup des demandes d’adaptation auprès d’un organisme tel que la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Créteil. Nous nous y sommes rendus pour tenter d’interviewer la responsable. A l’accueil, un homme nous explique : « Elle ne peut pas vous recevoir maintenant, est-ce que vous souhaitez la rencontrer un peu plus tard ?» Comme nous lui répondons « Pourquoi pas ? », il ajoute : « Dans ce cas, il faut faire une demande par courrier, et elle vous recontactera ». Tout en rédigeant la lettre, nous observons les personnes qui viennent déposer une demande d’aide : certaines n’en sont pas à leur première visite, car il manquait une pièce à leur dossier ; d’autres, dont le dossier est complet, s’entendent dire qu’elles auront une réponse dans un délai de sept mois. « La médecine du travail a rempli un formulaire pour accélérer ma demande, et on m’a dit que j’aurai une réponse d’ici trois semaines, raconte Marilyn, une femme d’une cinquantaine d’années atteinte de myélopathie et venue déposer une demande de reconnaissance de handicap. C’est assez rapide et j’ai été bien renseignée, je suis donc satisfaite ». Et de conclure sur cette note positive : « Il y a quand même une grande avancée pour que les personnes handicapées puissent vivre comme tout le monde ».
Au même moment, pourtant, une proposition de loi du sénateur UMP Paul Blanc entend assouplir les obligations d’accessibilité pour le logement neuf, et un rapport de son collègue Eric Doligé propose de supprimer les sanctions pénales en ce domaine. Face à ce qui apparaît comme un inquiétant retour en arrière, l’Association des paralysés de France lance une campagne de mobilisation et de pétitions (www.desbatonsdanslesroues.org).
Khalid Nahi et Pierre Bachelet