Mes Yeux sur toi (M.Y.S.T) est un compte instagram qui compte aujourd’hui plus de 15 000 followers(1). Derrière ce compte se trouvent Soreya Cesarine, et Henri Ekamby. En véritables influenceurs ils bénéficient de la reconnaissance grandissante de professionnels de la mode. Ils nous racontent leurs expériences d’instagrammers et nous expliquent leur façon de travailler.
Par Hanazade MRADABI
Rendez-vous est pris, un vendredi d’automne avec un couple pas comme les autres, au coeur du Marais. Venus de Noisy-le-Grand, Soreya Cesarine, 27 ans visual merchandiser, et Henri Ekamby, 33 ans, qui travaille comme modèle, ont lancé, il y a deux ans, leur compte instagram commun. Ils postent ainsi régulièrement sur ce réseaux social de photos, des clichés qui les mettent en scène.
Au départ, c’est Soreya qui tenait son blog. Elle avait une démarche très féminine et tendance et avait déjà travaillé avec des copines. ça c’était avant de rencontrer Henri.
Le coup de foudre a lieu lors d’une soirée. Pas de mot, juste des regards qui en disent long. C’est de là qu’est venu le nom de leur blog « Tous les deux on n’a pas besoin de se dire grand-chose, il suffit qu’on se regarde et on devine l’autre », confie Soreya.
La force du couple
Les deux modeurs ont vite compris que leur couple pouvait être une force. Soreya a posé lors de séances photos et c’est naturellement que Henri est venu poser avec elle. Il s’amuse à dire « Je venais squatter », mais il est très lucide « la force de notre duo c’est qu’il y a les deux sexes et qu’on est sur un créneau lifestyle(2) et mode. On vend entre autre “l’amour”, que ce soit du couple noir ou du couple tout court. »
C’est ainsi que les deux complices vont commencer à créer leur propre marque et un style inimitable. Soreya, d’origine martiniquaise, fascine avec ses longues locks blondes et Henri, d’origine camerounaise, a un charisme fou avec sa barbe. Leur histoire d’amour fait rêver les femmes, elles sont nombreuses à commenter et aimer leur post(3). Les hommes eux ne manquent pas de les féliciter dans la rue, racontent les deux instagrammers. Il faut dire que dans les médias, on trouve rarement des couples noirs qui s’exposent autant dans l’univers de la mode, si ce n’est les super stars comme Beyonce et Jay Z, habillés par les grands créateurs. Henri concède « C’est vrai que le couple noir n’est pas forcément représenté et mis en avant. Ce qui est bien c’est qu’on peut parler à toutes les couches sociales, à toutes les couleurs de peau, même si dans le détail on remarque que les personnes qui nous suivent sont majoritairement noirs.» En effet on remarque les nombreux commentaires positifs de la communauté virtuelle sous leurs posts, comme : « Vous représentez » ou encore « Black Power »(4).
Professionalisme avant tout
Pour autant le couple ne mise pas sur cette tendance et entend se démarquer d’une autre façon, avec beaucoup de travail. Henri explique « On essaie surtout de vivre notre passion. (…) Notre effort reste de produire un travail de qualité. » C’est donc avec attention qu’ils vont peaufiner leur image et faire de M.Y.S.T un vivier de conseils mode et d’inspiration.
Pour eux la recette de leur succès est clairement le professionnalisme de leurs photos et leurs articles. Soreya révèle « On a toujours travaillé avec des photographes, pendant un an et demi. Mais le truc c’est qu’on a souvent des deadlines* . Donc si un photographe nous plante à ce moment là c’est compliqué. On a acheté un appareil photo pro et on essaie de se suffir à nous-mêmes. »
Des obligations choisies
Les deadlines des marques comme Asos ou Reebok leur en donne fréquemment. Ils doivent poster en temps et en heure des photos sur des produits de beautés ou même des vêtements à porter. Dans l’univers des influenceurs sur les réseaux sociaux il y a le simple échange de bons procédés, mais aussi la signature de contrats. Pour l’instant M.Y.S.T. n’a vécu aucune mauvaise expérience affirme Henri
« On a un style, une éthique, une ligne éditoriale. »
Ainsi, selon le jeune homme, rien n’est imposé, que ce soit sur leur blog personnel ou Instagram. Les deux amoureux peuvent enchaîner quatre à cinq looks dans la semaine. Mais alors qu’on prendrait ça pour un jeu d’enfant, avec les nouveaux smartphones et leurs super pixels, Henri tempère « Rien que faire un shooting ça nous prend à peu près une heure. Mais même avant le shoot tu as la réflexion de choisir les looks, de choisir un endroit. Et quand tu as fini, tu as la post prod (5), faire le tri, choisir les photos et enfin la diffusion. » En vrai professionnels ils prennent soin de relire et corriger chaque post avant de le communiquer sur les réseaux sociaux.
L’authenticité version sophistiquée
A la question s’ils travaillent en fonction des attentes de leurs followers ils sont clairs et Henri ne laisse aucune équivoque : « On ne fait pas les choses pour séduire, pour plaire. Généralement les gens nous suivent parce qu’ils aiment ce qu’on propose. » D’ailleurs Soreya a fait des études d’art et garde un œil particulier sur les visuels qu’elle recherche.
La Fashion Week a pu l’aider dans leur démarche. Henri et elle en ont été les témoins. « On a eu deux, trois invitations. Ce n’était pas des masses mais c’était super. On développe notre contenu et on rencontre du monde. La Fashion week permet de révéler des idées assez futuristes.»
Une activité de chaque instant
Soreya poste parfois des recommandations. Mais elle dévoile « On ne va pas se mentir il n’y a pas de solidarité entre blogueurs. Moi je le fais parce que je ne vois pas pourquoi je priverais les gens de connaître des gens qui pourraient les inspirer. Je trouve ça cool. Mais dans le blogging(6) , en tout cas le blogging français, les gens sont très paranoïaques. Ils y en a qui ont peur qu’on pique leur style, leurs abonnés ou ce que tu veux. »
Avec cette concurrence on se demande alors quelle est leur motivation et s’ils s’imaginent durer.
Soreya reste positive « On fait les choses parce qu’on aime les faire. Nous on a décidé de le faire ensemble donc on le fait sur le long terme. »
En effet, dans leurs post, on a pu les voir se mettre en scène durant leurs vacances à Londres ou à New York. Chaque occasion semble la bonne pour poster. Henri nuance « Tu sais quand tu es blogueur, et quand tu décides de devenir influenceur, il y a des choses que tu fais naturellement. Tu vas partir en vacances, tu va filmer tes vacances. Tu vas donner envie aux gens. Parce que les gens te suivent aussi pour ça. Après tu fais le tri entre tout ce qui est privé et ce qui ne l’est pas. Tu n’es pas H24 en train d’illustrer tout ce que tu es en train de faire. »
Si Soreya devait donner un conseil à un futur blogueur ce serait celui-là « Aujourd’hui les gens arrivent à faire la même chose via leur smartphone, mais à un moment il faut créer la différence. Il faut persévérer, ne jamais se décourager.»
Internet et les réseaux sociaux peuvent ainsi se transformer en un véritable vivier de talents où les passions des uns et des autres peuvent devenir une source de réussite et une activité professionnelle à part entière.
(1) Followers : Abonné.
(2) Lifestyle : Mode de vie ou style de vie. C’est la manière de vivre, d’être et de penser d’une personne ou d’un groupe d’individus.
(3) Deadlines : Date limite, échéance.
(4) Black Power : Le terme Black Power a été lancé par Stokely Carmichael, du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC) en 1966 et recouvrait la position de divers mouvements politiques, culturels et sociaux noirs aux États-Unis, actifs principalement dans les années 1960 et les années 1970, qui luttaient contre la ségrégation et pour son émancipation.
(5) Post prod : Diminutif de postproduction. C’est l’organisation de l’ensemble des opérations qui mènent à l’aboutissement de la création d’une œuvre audio ou audiovisuelle. La phase de postproduction succède à la phase de production et mène à l’aboutissement définitif du projet.
(6) Blogging : Activité qui vise à créer un blog, une page personnelle ou d’entreprise comportant des avis, des liens ou chroniques périodiquement créés par son ou ses auteurs sous forme de posts.