De la place du 14 janvier à la place El Menzah à Tunis, ce sont près de 15 000 personnes venues des quatre coins de la planète qui ont défilé mardi 26 mars pour soutenir la révolution tunisienne et rappeler que les sociétés civiles sont unies pour qu’advienne « un autre monde possible ».
Reportage de Sofien Murat
« Nous sommes libres ! », « Vive la révolution ! », crie la foule. Pour cette marche d’ouverture du Forum social mondial, la révolution tunisienne est à l’honneur. En tête de cortège, des centaines de Tunisiens brandissent la photo des martyrs de la révolution. Derrière, défilent des milliers de militants – entre 10 000 et 15 000, venus des quatre coins du monde -, entre l’avenue Bourguiba et l’avenue Mohamed V, avec comme seul leitmotiv : « un autre monde est possible ».
Il est un peu plus de 16 heures, sur la place du 14 janvier, noire de monde, lorsque des drapeaux tunisiens se mêlent aux drapeaux palestiniens en guise de fraternité. Hommes, femmes, voilées ou non, enfants et étudiants, toutes les générations défilent pour rappeler que la transition est encore fragile en Tunisie, comme le souligne Abdelkader, employé à l’université El Manar qui accueille le Forum Social Mondial : « Le FSM doit rassembler tout le monde et non diviser. » S’il porte un drapeau palestinien, il a choisi pour son fils un drapeau tunisien. Un peu plus loin, une dizaine de manifestants réclame quant à eux justice pour Chokri Belaïd, militant d’extrême gauche assassiné en février dernier en plein Tunis.
Pour Moncef Ghali, membre de la commission des jeunes du FSM c’est aussi l’occasion de rappeler que cet événement est « le rendez-vous de la jeunesse ». Etudiant en télécommunication, il voit ce forum comme un « véritable cadeau pour les Tunisiens ».
« Nous sommes là car c’est une marque de solidarité et surtout de consolidation de la révolution tunisienne », poursuit avec enthousiasme, Ouattara, militant associatif venu de Côte d’ivoire. « C’est par les femmes que viendra le changement démocratique et politique », revendique quant à elle Ghitah Bennis, une employée marocaine qui vit en Belgique. Drapeau à la main, casquette aux couleurs de son syndicat, l’UGTT, Najib, tout jeune retraité, rappelle : « On a arrêté de travailler mais pas de militer. On continue de lutter pour nos droits. »
Pour Hatem, ce forum est l’occasion de faire entendre la voix des régions pauvres tunisiennes. Pour ce professeur d’anglais de 48 ans venu de la ville d’Ain Draham, et militant de l’association El Khair « c’est le moment de montrer au monde que nous sommes libres, que nous nous sommes battus pour cela, et pour prouver par ce FSM que le monde peut vivre ensemble ».
La marche touche à sa fin, les principaux cortèges arrivent à destination de la place El Menzah. Ancienne ministre malienne et militante du Forum pour un autre Mali, Aminata Traoré profite du moment pour rappeler le choix fort d’organiser ce forum en Tunisie : « Nous sommes passés par une révolution dans mon pays il y a 20 ans, nous y avons cru mais on nous a confisqué la révolution », regrette-t-elle. Avant de poursuivre : « Il faut faire attention au discours réducteur nord-sud, nous sommes dans une crise qui est globale, qui voit l’échec du modèle dominant : le pouvoir de l’argent ! »