COP22. Le forum de la Terre organisé par les associations Terre & Humanisme, le RIAM et l’Orange bleue au Maroc, valorise les solutions alternatives dans une zone rurale à 30km de Marrakech. Ce lieu atypique propose des formations et des ateliers pratiques au Carrefour International des Pratiques Agroécologiques (CIPA). Voyage au coeur de l’agro-écologie.
Au-delà des agitations du centre ville, au pied des montagnes et dans le plus grand des calmes avec le chant des poules, rien ne laisse présager l’existence du village Douar Skoura, dans la commune Sidi Boubker à 30km de Marrakech. Sur ces hauteurs, l’odeur de la nature, de la paille, du bois et des chevaux encense l’espace comme pour plonger le visiteur dans une immersion rurale apaisante.
« Il y a encore quelques années on ne voyait rien dans ce paysage aride », constate Abbes Benaissa, intervenant pour le CIPA (Carrefour des Initiatives et des Pratiques Agro-écologiques). Inauguré en 2015 par le paysan-philosophe français Pierre Rabhi, construit avec des matériaux locaux, doté de citernes de récupération d’eau de pluies, ce centre est une ferme expérimentale où des personnes viennent se former à l’agro-écologie face à la désertification. « C’est une agriculture biologique, saine, respectueuse de l’environnement et de l’humain, qui valorise les paysans et les paysannes en les aidant a vivre sainement » nous confie Boujemaa Gneghlam, coordinateur du CIPA.
Des arganiers, des oliviers, des citronniers, du basilique, des rangées d’aubergines, des piments rouges, des herbes aromatiques et des milliers d’arbres plantés, peuplent cette oasis de fraîcheur où la verdure est apparu au milieu d’une terre sèche parsemée de cailloux grâce à la régénération de sols. Qui aurait pensé que ce lieu était auparavant désertique ?
« On m’a fait confiance, j’ai suivi et j’ai semé des plantes ici », affirme Abdelkebir, agriculteur du village et formateur pour la CIPA. Dès l’aube, il nourrit les poules, arrose les plantations, veille sur le jardin, toujours avec allégresse. « C’est naturel tout vient du cœur. La sobriété, la sincérité, est une source de joie, c’est comme ça que je travaille et que je forme », nous confie Abdelkebir, reflet de ce beau jardin. C’est avec émotion et générosité que ce cinquantenaire partage le fruit de son expérience. Avant de commencer la journée de formation, il prépare le thé pour accueillir dès 10h les stagiaires qui viennent ici pour apprendre le compostage, le jardinage et toutes les techniques d’agro-écologie.
Heureux de nous faire découvrir ce jardin d’Eden, l’agriculteur nous dévoile les autres atouts de cet espace expérimental avec des panneaux solaires, des toilettes sèches et un système d’irrigation économique. Ici tout est fait pour adopter un mode de vie qui respecte l’environnement dans sa globalité.
Non seulement, une qualité pour la nature et sa biodiversité mais aussi une qualité de vie pour l’homme et sa santé. « Si l’on revient aux anciennes techniques agricoles, on se sentira beaucoup mieux et en bonne santé », dit Abdelkebir d’un ton convaincu. « Ce sont comme des médicaments pour nous ». Il valorise ainsi les plantes aromatiques qui sont d’une grande importance dans le traitement et la prévention des maladies et des premiers soins traditionnels. « Un des objectifs est que chaque maison du village doit avoir son propre jardin potager pour son alimentation et sa santé de base », explique le coordinateur de la CIPA, Boujemaa Gneghlam.
Conscient des bénéfices de l’agro-écologie, Abdelkebir tient à propager son savoir-faire aux habitants de son village. Cependant, « il faut de la patience », précise-t-il, même s’il semblerait qu’il n’est pas beaucoup foi en celle de ses voisins qui montrent des résistances. « C’est simple, aujourd’hui il est plus facile de penser rentabilité que responsabilité. », conclut Abdelkbir. En gagnant 600 dirhams par semaine, il n’aspire pas à faire du profit mais à vivre de sa passion.
« Traditionnellement, les hommes récoltent tout, pendant que les femmes au foyer ne sont pas vues » constate, Aïcha Krombri, responsable de formation au Cipa. Mais grâce à l’agro-écologie, elles peuvent lutter contre les inégalités avec le projet « femmes semencières ». « Cette action consiste à offrir aux femmes de meilleures possibilités de cultiver leurs propres récoltes, de semer leurs propres graines et de suivre le cycle de production », explique Aïcha Krombri. Le but étant par la suite de vendre leurs produits et d’avoir un travail rémunéré. Pour elle, ce projet audacieux permet de « faire sortir ces femmes de l’ombre vers la lumière ».
Des lumières qui font face à l’obscurité de la vie, à la manière de cette lune rousse qui, cette nuit-là, brillait aux couleurs rouge-oranger de Marrakech. Une vue spectaculaire sur le beau paysage, dévoilant la silhouette des montagnes de ce village, où l’espoir réside dans les hommes qui restent fidèles à la nature.
Pour en savoir plus
Le CIPA regroupe trois associations Orange Bleu, RIAM et Terre et humanisme.
www.lorangebleue.org/
http://terre-humanisme.org/