D’un côté, nous avons la gifle du ghetto, surnommée Lawid, et de l’autre, l’engagé du Palais, Mister.C. Daryl est allé interviewer ces jeunes artistes représentatifs de sa ville, Créteil (94), pour leur demander leur ressenti sur l’image du rap, leurs projets, leurs coups de gueule et coups de cœur.
LAWID : « ARRÊTONS AVEC LES DISCOURS DE PLAINTE »
Comment es-tu venu au rap, et pourquoi ?
J’y suis venu grâce à MTV qui, pour moi, montrait le modèle de réussite noir, les clips, etc.
Penses-tu qu’il faut avoir un vécu particulier ou quelque chose à revendiquer pour raper ?
Non, pas du tout, c’est pas ça, le hip-hop ! Je pense que cela ne s’explique pas, c’est juste un besoin de s’exprimer. La seule chose que je revendique, c’est la nécessité de s’en sortir, donc voilà quoi.
Ne trouves-tu pas que le milieu du rap est trop focalisé sur une seule partie de la banlieue ?
Oui, parce que religion, guerre de gangs et autres délits animent la vie dans la cité, mais cela reste une infime partie de la banlieue. Ils croient que le rap, c’est facile, il n’y a aucune cohérence entre ce qu’ils vivent et ce qu’ils disent.
Toi qui est assez respecté comme Mc, as-tu un certain poids dans ta cité ? Comment t’es-tu procuré ce respect ? Quel est ton rapport avec ta cité et avec la ville ?
Moi je dis : qui veut du respect s’en procure. J’ai eu quelques embrouilles, mais j’ai toujours été réglo, j’ai de bons rapports avec mes voisins et ma , et maintenant tout va bien.
On sent que tu es remonté, mais aussi que tu veux percer : est-ce un sentiment mitigé ou un plan marketing ?
Perso, je n’attends rien de personne ! J’ai enregistré cette tape il y a deux ans, je n’ai pas besoin de maison de disque et je ne suis pas remonté. Je trouve juste qu’il y a un manque de reconnaissance dans le rap français.
Ne trouves-tu pas que les thèmes abordés par les autres rappeurs sont trop formatés ?
La galère, la cité, j’y ai vécu de super bons moments, les négros avec les arabes… tout le monde a galéré. Il faut arrêter avec ces discours de plainte, ça fait victime, limite besoin d’une assistante sociale.
Quel message véhicules-tu dans ta dernière mix tape ?
L’esprit « ghetto youth », qui est pour moi le symbole du lit superposé, de la débrouillardise, des petites magouilles, du travail, mais surtout de la famille.
Que penses-tu de l’industrie du disque de nos jours ?
Tout est basé sur le buzz, il y a trop de stigmatisation et l’écart entre les rappeurs au top et les autres est trop grand.
Quel est l’avenir du rap selon toi : penses-tu qu’il est vraiment mort ou au contraire que c’est une évolution ?
Les gens sont trop nostalgiques. Il y a toujours eu du mauvais rap, il suffit de prendre les choses du côté du bon rap, car il ne meurt jamais. Beaucoup de personnes disent qu’elles veulent rapper ? Et bien, prenez-vous la tête, allez faire de l’argent, travaillez et vous allez y arriver ! Il n’y a pas de raison, boycott ou pas, ton réseau s’élargira.
MISTER C. : « LA STREET CRÉDIBILITÉ, JE LUI CHIE DESSUS ! »
Comment es-tu venu au rap, et pourquoi ?
A la base, je n’écoutais pas de rap, je chantais. Jusqu’au jour où j’ai écouté Arsenik et là, j’ai pris une grosse claque : l’expression des sentiments des rappeurs conscients et engagés, c’est ça que je voulais faire.
Penses-tu qu’il faut avoir un vécu particulier ou quelque chose à revendiquer pour raper ?
Non, mais mieux vaut avoir quelque chose à dire, non ? Ton ressenti sur le thème abordé, par exemple.
Ne trouves-tu pas que le milieu du rap est trop focalisé sur une seule partie de la banlieue ?
C’est vrai que l’on a obtenu une mauvaise réputation. Et je pense que les précurseurs et les rappeurs ont leur part dans cette focalisation car, à la base, le rap est une compétition saine.
Toi qui est assez respecté comme Mc, as-tu un certain poids dans ta cité ? Comment t’es-tu procuré ce respect ? Quel est ton rapport avec ta cité et avec la ville ?
De quel genre de respect parles-tu ? Je suis quelqu’un de gentil, un mec du peuple, ma musique est appréciée, je représente positivement mon quartier, et je ne pense pas que ma mentalité est enclavée.
On sent que tu es remonté, mais aussi que tu veux percer : est-ce un sentiment mitigé ou un plan marketing ?
Non, c’est tout simplement ce que je pense : je trouve que le rap n’est pas représentatif.
Ne trouves-tu pas que les thèmes abordés par les autres rappeurs sont trop formatés ?
Le rap devient une sorte de propagande rébarbative avec une soi-disant « street crédibilité » nécessaire pour rapper. Et bien, moi, je lui chie dessus !
Quel message véhicules-tu dans ta dernière mix tape ?
Ça peut être des coups de gueule comme « Fuck off, nique le format », ou des choses qui me tiennent plus à cœur, plus personnelles, comme « Requiem ».
Que penses-tu de l’industrie du disque de nos jours ?
Pourquoi est-elle comme ça ? ça sonne faux, c’est trop commercial, il faut prendre de vrais artistes !
Quel est l’avenir du rap selon toi : penses-tu qu’il est vraiment mort ou au contraire que c’est une évolution ?
L’avenir du rap, c’est moi ! Despo Rutti, Kery James, il faut des gens pour dire des choses. Le mot de la fin, c’est que le début.
Propos recueillis par Daryl John