Dernière ligne droite de l’élection présidentielle. Au premier tour, le 14e arrondissement de Paris a su répondre largement à l’appel des urnes : 84,67% de participation. Emmanuel Macron en est sorti vainqueur. La mobilisation sera-telle aussi forte au second tour ? Rencontre avec des électeurs de l’arrondissement, un soir de match de Ligue des Champions.
En ce mercredi 3 mai, c’est le calme plat dans le 14e arrondissement de Paris. Alors que 16,5 millions de Français suivent le débat télévisé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, certains habitants, eux, regardent le match de foot, AS Monaco contre Juventus de Milan. Dans le bar « Au Métro », à l’angle des rues Raymond Losserand et Pernety, la Ligue des Champions semble avoir conquis plus de cœurs que les candidats.
Tournant le dos aux écrans du bar, Laure, 34 ans, salue une amie avant de retourner chez elle. Elle n’est pas vraiment pressée de suivre le match ou le débat, et nous parle chaleureusement, avec un sourire franc. « Il faut aller voter », affirme-t-elle. Dans cet arrondissement, la majorité des électeurs ont participé au premier tour : un taux de participation de 84,67%, beaucoup plus que la moyenne nationale (77,77%). Laure n’est pas étonnée. « Ca a toujours beaucoup voté ici », observe-t-elle. Emmanuel Macron est arrivé en tête avec une large majorité (37,19%), suivi plus loin de François Fillon (22,28%) et Jean-Luc Mélenchon (19,27%). Marine Le Pen n’a réussi à réunir que 5,34% de l’électorat. Seront-ils toujours aussi nombreux à voter au second tour ?
« Voter est un droit à préserver. Surtout qu’on nous a permis à nous, les femmes, de le faire assez tardivement », répond Laure, fière de sa carte d’électrice. Mais elle reste globalement déçue pour la France. Dans le petit village de l’Est, dont elle est originaire, « les gens ont voté Marine Le Pen. Ils se disent qu’ils n’ont jamais voté FN, alors, pourquoi pas ». Elle, ne valide pas ce vote. Dans sa famille, on parle politique sans tabou : Marine Le Pen n’est pas représentative de la France, principalement parce qu’elle n’accepte pas les étrangers.
« On est tous nés étrangers, on est tous nés pareils : deux yeux, un nez, une bouche, des bras…, s’amuse-t-elle à énumérer. L’immigration ne me fait pas peur. Pourquoi ferait-elle peur ? »
Elle tient aussi à l’Union européenne, même si elle admet qu’il y a des choses à réformer, comme la Politique agricole commune. Alors, pour Laure, le vote du second tour sera sans hésitation. Il est temps pour elle, de rentrer chez elle, toujours avec le sourire, en espérant que la France ne choisisse pas dimanche prochain de fermer ses frontières.
Sur les écrans du bistro, le match suit son cours. Frédéric est pris dedans, mais on peut le couper sans difficulté lorsqu’il s’agit de parler des élections. A 48 ans, il travaille comme serveur dans le quartier et il est resté ce soir pour assister au match avec des amis. Il a toujours été un électeur de gauche et ne partage donc pas la tendance générale de l’arrondissement. C’est la mi-temps, la Juventus mène 1 à 0 contre Monaco, il prend le temps de développer : « Voter est un acte grave. On prend conscience d’un destin. On doit voter pour un programme. La personnalité ne doit pas prédominer. » Il dénonce une campagne médiocre qu’il a suivie via la radio et la presse écrite. Pour lui, les médias ont facilité la candidature d’Emmanuel Macron et il votera probablement blanc.
Le match se termine, le résultat final n’intéresse pas grand monde, aucun coup d’éclat. La Juventus a gagné grâce à un doublé de Gonzalo Higuain. Alexandre, un chef d’atelier de 38 ans, sort de la salle pour fumer sa cigarette avec une amie.
Quand on lui demande pourquoi il a suivi le match et pas le débat, il répond : « Je connaissais mon vote, pas le résultat du match. » Il ne cherchera pas à avoir de compte rendu de l’échange entre les candidats.
« Qui ne connaît pas leur programme ? On a un libéral face à une fasciste xénophobe. Ce n’est pas compliqué. » Son influence a toujours été de gauche. Il a voté au premier tour pour le candidat le plus convaincant. Car pour lui, « voter, c’est s’exprimer ». Il recommencera donc au second même s’il avoue que cette fois-ci ce sera un vote par défaut, pour faire barrage à un candidat. Pour lui, la campagne électorale française commence à grimer celle des Etats-Unis. « Il y a un déballage d’histoires constants. » Mais même si le jeune homme a peu d’espoir que cela s’améliore, il continuera à voter. « C’est un des seuls moyens de s’exprimer », explique-t-il avant de rentrer se réchauffer à l’intérieur du bar.
Déçus ou pas par le premier tour, les électeurs rencontrés, en cette soirée où la Ligue des Champions concurrençait le débat opposant Emmanuel Macron et Marine Le Pen, semblent indiquer que la participation dans cet arrondissement sera de nouveau forte au second tour.