Vice-champion d’Afrique en boxe anglaise, champion de France en boxe française, Mohamed Diaby, 29 ans, originaire de l’île-Saint-Denis est un boxeur franco-malien avec un palmarès impressionnant et surtout avec un grand coeur. Dans la vie professeur de sport, il s’occupe de jeunes dans un centre éducatif fermé où il enseigne les valeurs de la boxe : respect, courage et dépassement de soi !


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Par Djigui Diarra

Comment est née ta passion pour la boxe ?

Elle est venue quand j’étais petit, à l’époque où je faisais pleins de sports (judo, karaté, athlétisme, basket…). Un jour mon grand frère m’a emmené à la salle de boxe quand j’avais 12 ans et j’ai tout de suite accroché. Vers 15-16 ans je le pratiquais en loisir, j’ai continué car j’avais de bonnes capacités et j’ai été champion de France junior en 2003.

Qu’as-tu fait ensuite ?

En équipe de France junior, j’ai été repéré par les entraîneurs pour entrer à l’Insep (institut national du sport et de l’éducation physique) – maintenant appelé l’EP ( Expertise de la performance). J’y suis rentré à 18 ans, et y suis resté pendant 6 ans. J’ai passé les diplômes d’éducateur sportif et d’instructeur fédéral, ce qui me permet de travailler maintenant. La formation que j’ai reçue à l’Insep m’a permis d’exploser au plus haut niveau : c’est une chance pour moi d’être entré là-bas.

Quel type de boxe pratiques-tu ?

Je pratique toutes sortes de boxes, à la base j’ai été Champion du monde en boxe française et en kickboxing. J’ai boxé en k1, en boxe thaïlandaise également, même en full contact. Pour le Mali je boxe en boxe anglaise, c’est dans cette discipline que j’espère me qualifier car c’est la seule boxe qui est olympique, donc j’espère représenter le Mali dans cette discipline.

Avec laquelle te sens-tu le plus à l’aise ?

Cela dépend, à pratiquer je suis plus pieds-poings parce que j’ai fait cela toute ma vie, mais à regarder j’aime le très haut niveau en boxe anglaise. C’est magnifique quand tu vois des boxeurs comme Mayweather, les Trinidad, ou même à l’époque Mohamed Ali. Quand on les voit boxer c’est super joli : ce n’est pas pour rien qu’on appelle ce sport le noble art. Il y a des gestes techniques et des situations magnifiques à voir quand on est connaisseur, mais lorsque l’on ne connaît pas on a tendance à croire que c’est un sport où deux mecs se tapent dessus…

Quels sont les sacrifices à faire pour atteindre le haut niveau ?

Beaucoup de sacrifices sont à faire parce que la boxe est un sport à catégorie de poids. C’est une contrainte au niveau de l’alimentation avant chaque combat car on a toujours 2 -3 kilos à perdre. Or ce n’est pas évident de les perdre surtout quant tu as une morphologie très fine comme la mienne car je n’ai pas de gras. Ensuite il y a les sacrifices au niveau des sorties ; les copains, les copines il faut mettre cela de côté pour préparer une compétition comme un championnat du monde. Deux mois avant, je commence à me mettre dans ma bulle et ne penser qu’à l’entraînement et mon objectif. Quand tes amis t’appellent pour sortir, alors qu’on a un combat prochainement, on ne peut pas se permettre de sortir souvent. Une bonne hygiène de vie est nécessaire pour atteindre ses objectifs. Et puis la boxe est tellement un sport difficile qu’on fait aussi des sacrifices au niveau de la famille. Enfin, c’est aussi dur pour la santé parce qu’on se prend des coups, et c’est un aspect à prendre en compte pour être fort dans la tête et se dire : «  je vais avoir mal mais c’est pour ma passion, c’est pour mon sport ».

Tu devais participer aux Jeux Olympiques de Londres en 2012 mais finalement tu n’y es pas allé. Que s’est il passé ?

Avant de me qualifier j’étais au Mali et je me suis soigné avec un médicament qui malheureusement figurait depuis peu de temps sur la liste des produits dopants.  J’ai alors été contrôlé positif, même si j’ai fait toutes les démarches pour prouver ma bonne foi car c’était un médecin qui me l’avait prescrit. Malheureusement le timing était trop juste pour que je puisse participer au JO et j’ai été disqualifié. Mais voilà un an après, la fédération internationale de boxe a reconnu qu’il y avait des circonstances atténuantes et que je n’étais pas coupable de dopage. J’étais surtout coupable d’une grosse connerie qui m’a privé des JO de Londres, jusqu’à présent ce n’est pas évident à digérer… C’est la vie, il faut accepter les épreuves qui nous viennent, c’est une grosse épreuve  mais ce n’est pas pour autant que je relâche les bras sur ma passion.

Comment fais-tu pour surmonter cette épreuve ?

Ce n’était pas évident mais je me suis accroché et j’ai la chance d’être bien entouré avec ma famille et aussi mes sponsors Dawala de Wati B qui est derrière moi malgré les grosses galères. C’est aussi grâce au soutien de l’entourage qu’on arrive à rester fort, car lorsque tout va bien tout le monde est présent mais quand les soucis viennent, beaucoup de gens disparaissent…  Ceux qui restent sont ceux qui te donnent la force de t’accrocher.

Tu es le premier boxeur Malien à avoir été qualifié à des Jeux olympiques. Qu’est-ce que tu ressens ?

Je me suis qualifié mais je n’ai pas pu faire les jeux… En boxant pour le Mali, j’ai été vice champion d’Afrique. J’ai participé au championnat du monde sous les couleurs du Mali donc pour moi c’est une grande fierté de représenter mon pays d’origine même si  je suis né en France. Mes parents sont des Maliens et à la maison j’ai baigné dans une culture malienne, c’est pourquoi c’est une grosse fierté,  surtout qu’à l’époque c’était les moments où la situation sur place n’était pas évidente. Comme les instances maliennes me l’ont rappelé c’était un petit baume au cœur quand j’ai remporté la médaille d’argent au championnat d’Afrique : tous les Maliens étaient fiers, c’était au Maroc et de nombreux  Maliens qui vivent au Maroc sont venus me supporter.

J’ai assisté à un gala dernièrement à Levallois-Peret et tu combattais pour le tournoi VICTORY que tu as remporté. J’ai été impressionné par ta prestation comme beaucoup de personnes car tu as été prévenu deux jours seulement avant le tournoi. Comment fais-tu pour avoir cette motivation pour monter sur le ring ?

Un mois auparavant j’avais un combat et j’ai eu une bonne préparation physique. Deux jours avant on m’a en effet appelé pour participer au tournoi : alors j’en ai discuté avec mon coach et mon frère qui me managent. Ils m’ont dit que si j’étais prêt physiquement et que je me sentais bien il n’y avait pas de raison pour ne pas y participer. De plus c’était une grosse organisation dans une salle mythique où se déroule les grands événements en sports de combats : la salle Marcel Cerdan. J’étais donc très motivé et Dieu merci j’ai gagné le tournoi alors que personne ne me voyait gagnant car il y’avait de gros clients en face. Dans ma carrière j’ai fait pleins de coups comme ça où on m’appelait au dernier moment pour remplacer des mecs au pied levé et comme je m’entraîne régulièrement je suis toujours prêt physiquement. Voilà comment j’ai relevé le défi et ça a marché !

Tu fais partie des boxeurs Français humbles, tels que Bobo Sacko ou Raphael Llodra. Comment fais-tu pour avoir constamment la tête sur les épaules, quels sont tes repères ?

Mes repères sont les valeurs de la boxe, c’est un sport dur et ingrat il faut le dire, car financièrement on ne gagne pas notre vie en boxant. C’est très dur, l’entraînement est dur, le combat l’est également, donc quand on fait un sport dur comme celui-ci on se doit de rester humble car si on prend la grosse tête on est vite rappeler à l’ordre lors d’un combat. Donc j’essaye de m’accrocher aux valeurs de la boxe tel le respect, le dépassement de soi, cela nous permet d’avoir les pieds sur terre et puis c’est toujours le fait d être bien entouré. Si tu t’entoures de gens qui aiment flamber tu vas flamber mais si tu t’entoures de gens humbles tu restes toi-même.

Que penses-tu de la manière dont est vue la boxe comparée à des sports tels que le judo ou le karaté ?

Les judokas et les karatékas connaissent les valeurs de la boxe. Mais beaucoup de gens qui ne connaissent pas la boxe voient le judo comme un sport populaire et voient la boxe comme étant réservée aux  jeunes de banlieues, alors que la boxe est ouverte à toutes les classes sociales. C’est l’un des sports les plus durs, et ce n’est pas parce que je le pratique que je le dis mais étant à l’Insep j’ai côtoyé des athlètes, des judokas, des karatékas, toutes les disciplines… ces sportifs nous voient à l’entrainement quand on se tapent dessus, ils nous voient sur la piste quand on cavalent, ils voient que c’est dur et que l’entraînement n’est pas de la rigolade et encore plus avec les coups. En France la boxe n’est pas assez mise à sa juste place,  alors que c’est un sport olympique que l’on pourrait davantage médiatiser.  Il faudrait plus démocratiser ce sport pour que les gens puissent participer à des événements de boxe, que ce soit en loisir ou en compétition et qu’ils apprennent à partager les valeurs de ce sport.

Vas-tu participer aux prochains Jeux olympiques ?

C’est mon objectif, il me reste encore un an et demi avant les qualifications et je vais représenter le Mali bien sûr. Participer aux jeux de Rio 2016 serait une belle revanche pour ce qui m’était arrivé en 2012, j’espère pouvoir me qualifier. Ce n’est pas gagné d’avance parce que c’est très dur et la concurrence est rude mais avec la rage de vaincre je pense qu’on peut y ‘arriver !

Quels conseils donnerais-tu à des gens qui aimeraient se lancer dans la boxe ?

C’est beaucoup de sacrifices il faut le savoir. Ensuite il faut bien s’entourer je le répète, et ne pas prendre les choses à la rigolade, s’entraîner sérieusement, avoir une bonne hygiène de vie et si on veut réussir il faut vraiment se donner à 100 % je dirais même 200 %, parce que c’est très dur et il faut se dépasser. Que ce soit du haut niveau ou du loisir, il faut prendre du plaisir car c’est important d’aimer ce que l’on fait pour exceller.

Mohamed merci pour cette interview le mot de la fin te reviens si tu as quelque chose à dire…

Je te remercie de m’avoir sollicité pour cette interview, je sais que tu entreprends une formation qui est très intéressante et pas évidente, donc le mot de la fin ce sont des encouragements pour toi ! J’espère que tu vas réussir et que tu ne lâcheras pas l’affaire même si c’est très difficile, c’est comme la boxe quand on a un objectif il faut s’y accrocher. Le mot de la fin est pour toi Djigui,  j’espère que tu seras journaliste et que inchALLAH on te verra sur France TV, ORTM ou Africable, sa serait pas mal !  Il y’a pleins de truc à faire en Afrique, il y a une autoroute devant toi donc accroche toi, réussis et va jusqu’au bout !

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