« La politique, trop vieille pour les jeunes ? » : c’est le thème de la soirée-débat organisée par « Mardi ça fait désordre » et Reporter citoyen, ce mardi 27 mars au Centre socioculturel Madeleine-Rebérioux de Créteil. Au programme : Stéphane Hessel, Mohamed Mechmache (président d’ACLefeu), Michel Butel (qui lance un nouveau mensuel, « L’impossible »), des sujets réalisés par nos jeunes reporters, de la danse, du théâtre d’impro… Le tout après une première partie de soirée consacrée à la projection du film « Je suis un Reporter citoyen ». C’est la deuxième fois que nous nous associons à « Mardi ça fait désordre ». L’occasion de connaître un peu mieux ce « magazine vivant, critique et poétique », à travers les réactions et confidences de François Bernheim, son fondateur et inspirateur.
« Dans les années 1930 à Zurich, les dadaïstes avaient pris l’initiative de créer un cabaret politique où artistes, chanteurs et polémistes venaient donner au public l’occasion de se trouver en proximité tant avec la pensée ou le rire qu’avec l’art et la révolte. La vertu du “pot pourri”, de cette recette qui mélange les genres et les origines sociales, est immense. Elle permet, si on y travaille avec acharnement, d’échapper à l’intimidation du “ce n’est pas pour nous”, donc de s’ouvrir aux autres.
Faire appel à la musique des mots, rire à gorge déployée, détendre une tête et un corps malmenés, être en position d’écouter ou de répondre sur les sujets les plus graves ou les plus futiles est notre manière à nous d’apporter la preuve que la soumission à l’ordre établi n’est pas une fatalité. Corps en mouvement, enchantement de la poésie, rigueur de l’information critique : cela a un sens sans manquer de sensualité, et c’est bien cela que nous voulons faire.
Les magazines papier ou télé se feuillettent ou se regardent à travers un écran, le nôtre se tient dans un lieu. Nous sommes tout petits mais, loin de nous effrayer, cela nous semble prometteur. Nous pouvons identifier des visages, prendre soin de ceux qui nous entourent comme nous disputer avec eux. À travers associations de quartiers, groupements d’artistes ou d’intellectuels, citoyens d’arrondissements comme d’ailleurs, nous créons une étoffe tantôt rugueuse et tantôt douce au toucher. A travers tous ces êtres, notre utopie est de recréer la société. L’entreprise n’est pas mégalomaniaque, à un moment de notre histoire où les lendemains ne chantent plus. Nous devons bien commencer modestement à faire chanter aujourd’hui, là où nous sommes.
Sans doute sommes-nous dans une société de plus en plus dure. Sans doute l’espoir – ou l’envie – de transformer le monde est-il moins fort qu’avant. Mais la qualité des gens qui interviennent dans nos soirées montre à l’évidence qu’il y a tout un travail que les médias ne font pas, ou ne font plus. Et si nous peinons parfois à rencontrer le public, nous n’avons aucun mal à inviter des personnalités remarquables.
Nous avons donc eu de beaux moments d’éblouissement. Je me souviens du philosophe Michel Féher, venu parler de “Cette France-là”, travail de veille et d’analyse de la politique française d’immigration. Ou de la romancière Bellinda Canonne, féministe, belle et lumineuse dans sa pensée. Ou encore de Sylvie Crossman, l’éditrice du petit livre de Stéphane Hessel, qui va voir régulièrement ce qui se passe du côté des peuples premiers. Ce qui me frappe, en définitive, ce sont tous les cadeaux magnifiques que nous avons reçus !
Notre café du commerce pourrait bien être aussi un laboratoire de plaisirs et d’idées permettant déjà de respirer. N’oublions pas que nous sommes debout ! »