Depuis quelques semaines, 400 migrants tunisiens sont arrivés via Lampedusa (Italie), dans un parc près de la porte de la Villette. Sofien (Stains) et Khalid (Créteil) sont allés à leur rencontre. Récit.
A l’abord du parc, à gauche, on sort des vêtements d’une voiture pour les distribuer aux Tunisiens qui s’agglutinent et tendent leurs mains désespérément pour attraper de quoi se changer. Au bout du parc, la même scène : cette fois, on se bouscule pour avoir une bouteille d’eau ou un sandwich.
Un immigré tunisien passe à côté, nous dit bonjour. Ça va ? « On en a marre. Vous savez, nous pas voler, pas braquer, rien. Regarde les traces des menottes, j’ai dormi au commissariat, la merde ! Pourquoi ils font ça ? » Et de montrer son pantalon complètement usé. « La France, ils viennent dans notre pays, on les accueille bien, et nous on vient en France, et regarde, regarde… » De sa main il montre le parc, balaye en s’arrêtant sur des habitations de fortune. « Mais pourquoi ils nous envoient la police, c’est pas une vie ça ! » conclut-il en baissant la tête. De fait, depuis la diffusion de cette information, la police les a réprimés brutalement et dispersés.
« Le départ de Ben Ali du pouvoir a été une opportunité pour eux de partir », explique Monia Ben Hamadi, de l’association Génération Jasmin. Tous les jours, ces militants viennent apporter nourriture et vêtements à ces migrants. Monia déplore le peu de mobilisations autour de cette situation dramatique, où les gens ne mangent pas à leur faim. Cependant, depuis le 2 mai, le Secours catholique et le Secours islamique distribuent des petits déjeuners.
Mais qui sont ces Tunisiens ? « Ils sont pour la plupart très jeunes, certains sont mineurs, ils viennent surtout de régions très pauvres du Sud de la Tunisie, affirme-t-elle. Ces migrants n’ont plus rien à perdre, beaucoup ont risqué leur vie pour venir. La plupart ont payé une fortune à des passeurs ». De nombreux Tunisiens ont été arrêtés dans la nuit du mardi 3 au mercredi 4 mai et placés en garde à vue. « Nous sommes choqués, indignés par ces méthodes. Beaucoup voyaient la France comme la patrie des droits de l’Homme, très vite ils ont réalisé que l’on ne voulait pas d’eux », poursuit la militante, fataliste.
Face à cette situation d’urgence, le maire de Paris a promis une aide de 100 000 euros.
« Pour le moment, les associations n’ont rien reçu. Nous ne savons pas quand cet argent sera débloqué et comment il sera réparti », questionne Monia Ben Hamadi.
Entre temps le conflit s’envenime. 140 migrants tunisiens ont investi, lundi 2 mai, un immeuble au 51 avenue Simon Bolivar, dans le 19e arrondissement de Paris. A la demande de la Ville de Paris, ils ont été délogés le lendemain par les forces de l’ordre, de façon plus qu’indigne. Depuis, un gymnase situé rue de la Fontaine-au-Roi (Paris 11e) a été occupé par les jeunes Tunisiens. De nombreuses voix politiques et associatives s’élèvent contre la répression et réclament une obligation urgente de solidarité et d’hospitalité.
Par Khalid Nahi et Sofien Murat . Crédit Photo : Dragan Lekic