A l’université El Manar à Tunis, Camilia F. enseigne la gestion des ressources humaines. Pour cette enseignante, le processus démocratique passe par un travail commun entre hommes et femmes. Entretien.
Propos recueillis par Johanna Clairet
Quelle est la position de la femme tunisienne dans cette université ?
Camilia F. : Les femmes composent la majorité de notre corps enseignant. Et en ce qui concerne les étudiants, près des trois quart sont des femmes. Mais de manière générale, si la femme évolue plus vite que l’homme, on la tire sans cesse vers le bas, car il y a une volonté de mettre l’homme en avant.
En Tunisie, l’homme s’impose dans l’espace public et la femme dans l’espace privée. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Je considère qu’il ne doit pas y avoir de distance entre l’homme et la femme : nous sommes tous des êtres humains ! Aussi, il faut supprimer les barrières artificielles et oser dire non au conformisme. C’est pourquoi je prône le mélange des sexes dans ma salle de classe pour que chacun se sente sur le même pied d’égalité. J’essaie de faire en sorte que les hommes ne regardent pas les femmes comme des corps et qu’elles ne regardent pas les hommes que comme des monstres violeurs ou agresseurs.
Les femmes tunisiennes sont-elles dans des positions subalternes dans la société tunisienne ?
Camilia F. : La femme est celle qui est responsable de la famille en Tunisie et, en général, elle est très rusée pour arriver à ses fins. C’est elle qui éduque les enfants, qui gère le budget du ménage et les choix qui touchent à la maison et la famille. L’homme est ainsi plutôt démissionnaire. Et ils auraient aujourd’hui tendance a en vouloir aux femmes car elles gèrent tout.
Pour obtenir l’égalité en Tunisie, faut-il nécessairement que les femmes se soulèvent ?
Camilia F. : Je suis anti-mouvement des femmes. Il ne faut pas dissocier les deux sexes. Il faut respecter l’autre pour se faire respecter. Je ne veux adhérer ni aux associations ni aux partis. Les femmes veulent se mettre au même niveau que l’homme, mais elles utilisent parfois des pratiques violentes et extrêmes, comme la publication d’images de femme aux seins nus etc. L’homme et la femme doivent travailler ensemble pour le processus démocratique. C’est l’unité humaine qui réussira. La dignité doit être prônée pour se faire respecter.
Une reforme du système éducatif est-elle nécessaire?
Camilia F. : C’est sûr qu’il faut beaucoup investir dans les savoirs : le savoir faire, savoir être, savoir agir et le faire savoir. Plus on investira dans l’intelligence, plus cela sera bénéfique pour l’Homme.
Il y a beaucoup de modèles alternatifs, comme le modèle allemand ou japonais qui favorisent les bacheliers généraux, cultivés et donc éclairés. Aujourd’hui, il faut penser global et agir local avec les moyens dont on dispose. Tout pays qui veut évoluer doit s’ouvrir aux autres et à la culture.
En Tunisie, il faut désapprendre pour réapprendre. Il est également nécessaire de s’ouvrir aux métiers destinés traditionnellement à l’autre sexe.