Les femmes étaient à l’honneur à l’ouverture de l’assemblée du Forum Social Mondial. Des voix du Maghreb se sont élevées pour revendiquer plus de droits.
Reportage de Karima Taïbi
« So so so solidarité ! Avec les femmes du monde entier ! », scande l’assemblée des femmes qui vibre au son des cris de joie et des applaudissements. Plus de mille trois cents personnes se sont réunis ce matin à l’université d’El Manar à l’ouverture du Forum Social Mondial. Sur l’estrade, des femmes de toutes origines défilent pour défendre leurs droits. Côté foule, hommes et femmes s’allient pour une même cause. Côté Maghreb, les militants s’expriment avec hargne et ferveur…
« Nous ne voulons ni des Américains, ni des Qataris, ni d’Enahda, car ils financent les salafistes ! », proclame avec énergie Samira, professeur d’anglais à Tunis. Avec l’une de ses collègues, elles dénoncent les difficultés qu’elles subissent à la suite de la révolution ; insécurité, droits civiques et liberté religieuse fragilisés. « Ils veulent faire régner la peur pour qu’on reste à la maison », soutient Nazila, enseignante en histoire-géographie. « Les salafistes oppriment les gens et se servent de la religion comme outil de pression. Ils s’infiltrent partout, jusqu’au jardin d’enfants, dans les campagnes et les quartiers populaires », s’inquiète Nazila. La cinquantaine coquette, Samira et Nazila ont vécu sous trois régimes tunisiens : les avancés de Bourguiba sur la femme, la dictature de Ben Ali et la révolution. Aujourd’hui, bien qu’elles soutiennent ardemment la démocratie, elles craignent de perdre leur liberté dans la nouvelle constitution.
« Quand la femme est sur le devant de la scène pour militer, elle est égale. Mais quand il y a des prises de décisions, l’homme se sent menacé », déclare Tourya Lahrelh, de la Confédération Démocratique du Travail au Maroc. « Après le printemps arabe, on pensait qu’il y aurait plus de femmes dans les gouvernements, les parlements et les espaces de pouvoir », ajoute-t-elle. Cette militante souhaite voir également, dissocier toute religion de la politique.
L’allure assuré, un homme charismatique, se glisse dans la conversation en soutenant : « Il faut que la femme émancipe l’homme mentalement… et c’est l’homme qui vous parle ! Moi je suis féministe. Le problème est dans la tête de l’homme », confie Chérif Ouarab, militant des droits de l’homme en Algérie.
Nos interlocutrices connaissent-elles d’autres hommes féministes ? Nazila s’empresse alors de répondre : « Bien sûr, nos maris ! »