COP22. Portrait d’un prêtre coréen atypique qui assiste à la COP22. L’homme d’église milite pour le climat et s’interroge sur son époque. Dans sa quête, il interroge la religion, guidé par l’espoir de voir la planète hors de danger.
Dans la foule qui déambule entre les stands de l’Espace Société Civile de la COP22, se détache une silhouette. Le crâne rasé. Une robe en étoffe brune. Un pin’s doré en forme de papillon. Une corde en guise de ceinture avec trois nœuds, à laquelle est accroché un rosaire en bois sombre. Le prêtre coréen Rufino Lim discute avec tout le monde, se fait prendre en photo avec ceux qui le lui demandent. « Peu de gens sont habitués à voir des frères catholiques dans la vie de tous les jours », s’amuse-t-il.
Pour ce Franciscain installé à Rome, en Italie, l’habit ne fait pas le moine. Loin des idées reçues, la santé de la planète le préoccupe sérieusement. « Le climat est un sujet qui m’intéresse beaucoup. Avant de venir, j’ai vu le documentaire Before the Flood avec Leonardo Di Caprio qui est visible en libre accès sur la chaîne YouTube du National Geographic ». Il partage son enthousiasme pour ce film qui réunit ses deux grands centres d’intérêts : le climat et le cinéma.
L’étonnant Père Lim retrouve même le climat jusque dans les Saintes Écritures. « La Bible verte est mon livre de chevet. C’est une édition dans laquelle chaque mot ou chaque phrase ayant un sens ou une interprétation écologique est écrit en vert. » Pour lui, la Bible porte un message écologique : « Elle doit être interprétée par chaque individu en fonction de sa situation personnelle et de l’époque dans laquelle il évolue. L’interprétation des écritures doit s’adapter aux enjeux de notre temps. »
La recherche du sacré qui l’anime l’aurait-elle mené jusqu’à la COP22 ? « Le sacré ne se limite pas aux lieux de culte, il est aussi là où sont les pauvres, le désespoir, là où saignent les plaies de Notre Mère la Terre. Si la religion néglige cet appel, si elle ne revient pas sur le terrain, alors elle n’aura plus aucun avenir. » Rufino n’est pas le seul religieux présent à Marrakech. Il a rencontré deux pasteurs, un de l’Eglise orthodoxe et un épiscopalien. « En 2015, nous étions plus nombreux à la COP21 à Paris. J’ai rencontré des musulmans, des catholiques, des protestants, des juifs et même des bouddhistes, se remémore-t-il avec plaisir. Dans leur communauté, les religieux contribuent activement à la prévention et à la sensibilisation aux questions climatiques. Parfois ils arrivent même à influencer des représentants de l’Etat. »
Cette mobilisation reste cependant minoritaire. « D’autres, peut-être même la majorité, restent de farouches conservateurs. Ils refusent de changer leur mode de vie, leur perception du monde, leur idée de la rédemption. Notre Mère la Terre est en train de mourir. C’est absurde de ne se préoccuper que du paradis », insiste-t-il, avec dépit. Les mises en garde des scientifiques ont été ignorées pendant des décennies. « La religion devrait agir et avancer avec les activistes », affirme-t-il.
Pour le prêtre, la menace n’est pas à négliger : « Le changement climatique va déclencher des guerres, des conflits, des famines, des sécheresses, créer le chaos ». L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, au moment de l’ouverture de la COP22, ne peut que renforcer les inquiétudes. « L’espoir est encore permis et il est du devoir de chacun de le défendre face aux personnes mal intentionnées. Ne cherchez pas d’autre espoir que vous-même. Ne laissez pas votre espoir pour l’avenir reposer seulement sur les avancées de la science. L’espoir commence avec vous », conclut Rufino Lim, avant de saluer d’un énigmatique « Namasté ! » et de reprendre ses déambulations dans l’Espace société civile de la COP22.