Elle est poursuivie pour manquement à son obligation de réserve. Son crime ? Avoir, dans un livre récent, dénoncé le racisme et le sexisme qui règnent dans certains services de police. N’Fanteh (Créteil) a rencontré cette ancienne policière de la PAF qui persiste dans son combat anti-discriminations.
« On sanctionne les gens qui dénoncent les faits illégaux, on protège les personnes qui les commettent ». Sihem Souid, ex-adjointe de sécurité à la Police aux frontières (PAF) d’Orly, est amère face à ce constat. Auteure du livre Omerta dans la police (Le Cherche-midi, octobre 2010), elle témoigne de tout le racisme, le sexisme, la discrimination et l’homophobie qui règnent dans les services de police. Preuves à l’appui : citations de collègues, documents internes… Tout porterait à croire que justice sera rendue. Et non : Sihem Souid est aujourd’hui suspendue de ses fonctions actuelles à la préfecture de police de Paris.
« Beaucoup de gens sont inconscients, ils ne prennent pas conscience de la gravité de leurs actes », explique-t-elle avec fatalisme. Est pointée du doigt une minorité, présente entre autres à la PAF, mais aussi dans divers services de police. Dévoiler sur la place publique cette image sombre, accablante et immorale de la police est devenu le combat de Sihem Souid. La jeune femme de 29 ans a tenu pendant des années face à des humiliations, des mots blessants tels que « bougnoules », « couscous »… « Mais on doit se battre pour les valeurs républicaines, pour qu’elles perdurent et ne soient pas bafouées », exprime-t-elle déterminée.
Un livre qui ne fait pas l’unanimité : face à un gouvernement silencieux et à des fonctionnaires en colère qui l’accusent de généraliser, la bataille est rude. Pour Sihem Souid, une chose est évidente : « Quand on est français d’origine étrangère, on doit doublement, triplement, faire nos preuves, malgré nos diplômes et nos compétences… et c’est une réalité », lâche-t-elle convaincue.
Derrière cette carapace de guerrière, se cache une femme qui croit encore aux convictions qui l’ont poussée à entrer dans la police : « Je suis déçue par le fonctionnement de l’institution, mais la police est nécessaire, elle reste un beau métier ».
L’enjeu est de taille. Sihem Souid est accusée de manquement à son obligation de réserve. Le procès, qui devait avoir lieu le 7 janvier, a été reporté au 18 mars prochain. Mais elle reste confiante. « Si une loi sur un comité d’éthique passe derrière, j’ai tout gagné. Après, que je perde mon boulot, ce n’est pas grave, c’est un sacrifice », conclut-elle laconique.
N’Fanteh Minteh