Marcel Petitou, 82 ans, était à peine adolescent quand il s’est engagé dans la résistance. Avec sa femme, Simone Petitou-Treuil, 79 ans, ils ont accepté de livrer leurs souvenirs à Ana (Reporter citoyenne à Créteil), Claude et Martine (conseillers de quartier à Brèche-Préfecture). Portrait d’un couple de Cristoliens qui respire simplicité et complémentarité.
C’est à Nougein (près de Tulle et Marcillac), dans des familles de résistants, que Simone et Marcel grandissent et qu’ils sont « pris » dans cet engagement contre le régime nazi. Un terme, le nazisme, que personne n’emploie encore : c’est Hitler qui déclare la guerre à la France, mais pas les « nazis ». Ce concept n’arrivera à leurs oreilles que plus tard, après la déclaration de guerre, et cette idéologie sera alors bien étudiée.
Les parents de Marcel Petitou accueillent très vite des réfugiés qui ont fui le régime de Franco : « On a pris à la maison Manolo, un petit Espagnol de 13 ans qui ne parlait pas un mot de Français. Et moi, qui n’en avait que 9, je ne parlais pas l’espagnol. Un an plus tard, grâce à Manolo, je le parlais couramment ! » C’est dans un climat « d’angoisse non conscientisée », comme l’explique Simone, que leurs familles commencent à cacher des juifs. « Bien sûr, on avait peur, poursuit-elle. On avait l’angoisse que ceux qu’on cachait soient découverts. » En même temps, complète Marcel, « les choses se faisaient naturellement ». Un jour, par exemple, l’adolescent de 14 ans doit descendre à la Dordogne pour rencontrer des maquisards et récupérer des armes. « Mais ça ne m’a pas ému plus que cela : des armes, j’en voyais tous les jours ! »
Arrive la fin de la guerre. Ce rappel fait naître un sourire et une lueur dans les yeux. Simone se rappelle les cloches des villages alentour ce 6 juin 1944. L’effervescence des habitants, « c’était un moment formidable… » Même si tout le monde n’était pas aussi joyeux : « Il pouvait aussi y avoir des règlements de compte ».
En 1946, Marcel commence sa carrière professionnelle comme employé sur la construction du barrage de la Dordogne. Il y côtoie de nombreux étrangers : des Espagnols, des Italiens, des Serbes, des Hongrois… et même des soldats prisonniers allemands. « C’est vrai qu’il y avait un peu de méfiance au début, commente sa femme. Mais nous ne connaissions pas leur passé, et le contact humain a pris le dessus évidemment. Ils ne demandaient qu’une chose, c’était de pouvoir rentrer chez eux ». Les souvenirs remontent au fil de l’entretien, entre bals du village pour elle et anecdotes de chantier pour lui.
Ces souvenirs d’une époque où « nul ne faisait attention à la nationalité, la religion ou la couleur de la peau » se heurtent aux débats qui ont lieu aujourd’hui. Et qui surprennent beaucoup notre couple de résistants. Ils soulignent une défaillance dans la transmission, au sens large du terme. « Il n’y a que la grande Histoire qui semble compter, déplore Simone avec tristesse. Comme si on avait voulu occulter la résistance des anonymes, des sans-grades… » L’Education nationale n’accorde, selon elle, pas assez d’importance aux petites histoires qui ont fait cette guerre. « Mais on a fait comme les autres : on a longtemps très peu parlé de cette période, à nos enfants notamment, reconnaît Marcel. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on se dit que c’est important de transmettre tout cela ». Comme si, à l’heure où l’on s’ouvre de plus en plus au monde, il convenait de revenir à l’essentiel, de « se recentrer plutôt que de se disperser », ajoute Simone.
Les idées fondamentales qu’évoque en nous la résistance s’incarnent dans ce couple très complémentaire par leur manière d’évoquer cette période, entre petites histoires (pour lui) et grands principes (pour elle), entre mémoire et belle leçon de tolérance.
Ana Carvalho