Depuis des années, il passait pour l’un des opposants tunisiens à Ben Ali les plus résolus sur le sol français. En marge du dernier magazine « Mardi ça fait désordre », le 22 février, Sofien a rencontré Tarek Ben Hiba. Portrait.
Calme et timide : telles sont les premières impressions laissées par Tarek Ben Hiba lors de notre rencontre à l’Espaces Jemmapes (Paris 10e), en marge de son intervention à l’émission « Mardi ça fait désordre ».
Cet ancien conseiller régional de 56 ans, président de la Fédération des Tunisiens pour la citoyenneté des deux rives (FTCR), se montre néanmoins plus loquace quand il s’agit d’aborder la question tunisienne. Et les mots qu’il emploie sont très forts : « Le peuple a accompli un miracle. C’est une joie indescriptible, jamais de ma vie je n’aurais pu croire cela ! »
La Tunisie, c’est d’abord un souvenir douloureux pour ce militant d’extrême-gauche. L’homme a connu la prison en 1975 sous Bourguiba : « On m’a condamné pour mes idées radicales », lâche celui qui est ensuite devenu un opposant farouche à Ben Ali, dès son arrivée au pouvoir.
C’est avec une certaine ironie qu’il revient sur le régime déchu et sur le fameux trésor de Ben Ali, découvert et révélé à la presse (1) : « La réalité dépasse la fiction ! Vive la révolution ! ». Comme la plupart des Tunisiens, il souhaite l’extradition de l’ex-chef d’Etat afin qu’il soit jugé : « C’est un criminel, même si je souhaite un procès équitable ».
Le franco-tunisien, se veut confiant quant à l’avenir du pays : « Tout le monde doit s’entendre sur des idées fortes par rapport à la constitution, c’est-à-dire choisir entre un régime présidentiel ou parlementaire ». Il exclut également la possibilité d’une reprise en main du pays par l’armée : « Les militaires, contrairement à l’Egypte, ont refusé de prendre le pouvoir ».
Le régime de Moubarak est tombé, la révolution poursuit son chemin vers la Libye. Et il est clair que la révolution des jasmins a favorisé cet essor : « La Tunisie a ouvert la voie. La révolution tunisienne a un caractère sacré et universel ». Tarek voit cette contagion dans les pays arabes avec enthousiasme : « Nous assistons à un véritable tsunami révolutionnaire, le monde arabe est en train de se réveiller ». Et il ajoute avec un brin d’humour : « Il y a 24 états arabes, pour le moment ca ne fait donc que trois ».
Ce « réveil arabe » peut-il entraîner un bouleversement géostratégique dans la région ? Tarek en est convaincu : « Un gouvernement démocratique égyptien ne fermerait plus les yeux sur ce qui se passe en Cisjordanie ». Il livre une analyse socio-philosophique de la situation : « On a cassé le mythe de la fin de l’histoire (2) », avant de conclure : « Il y aura un temps arabe ».
On ne peut pas dire que la tournure des événements lui donne tort.
Sofien Murat
(1) Les autorités tunisiennes ont trouvé le 19 février, dans le palais de Sidi Bou Saïd, pour 175 millions d’euros de bijoux et de billets.
(2) Thèse du philosophe et économiste américain Francis Fukuyama selon laquelle l’avènement du capitalisme conduit à un effet d’homogénéisation des sociétés