6 % seulement des bénéficiaires potentiels des aides de la CAF pour partir en vacances les utilisent effectivement  ! Pour connaître les raisons de cette étrange désertion, Nelly (conseillère de quartier du Haut du Mont-Mesly), dans le cadre du travail commun avec Reporter citoyen, a mené une série d’interviews auprès de parents de Créteil et exploité une enquête de satisfaction nationale réalisée en 2008.

Comme toujours à cette époque de l’année, le même refrain arrive à nos oreilles : « L’école est finie, vivent les vacances ! » Oui mais ces vacances sont-elles les mêmes pour tous ? Que l’on soit Français ou étranger vivant ici, que l’on soit cadre ou chômeur, que l’on vive en célibataire ou en famille nombreuse, accède-t-on aux vacances de la même façon ? L’AVF (aide aux vacances en famille) permet d’aider les allocataires de la Caisse d’allocations familiales à prendre des congés. Mais nous avons constaté que certaines familles ne s’autorisent pas à partir et n’utilisent pas ce dispositif très intéressant.

Une rencontre festive au « café des parents »

« Je suis bien content d’avoir reçu les papiers sur les aides de la CAF, car mon adolescent a besoin de changer d’air. Le problème, c’est que je ne comprends pas ce qu’il faut faire et si je dois tout payer ou pas. » Ce mercredi matin, au « café des parents » du collège Amédée-Laplace, Ida, demandeuse d’emploi et mère de deux garçons, résume bien le sentiment de nombreux parents quand ils reçoivent le formulaire de la CAF (Caisse d’allocations familiales) leur proposant une aide pour les prochaines vacances : trop compliqué ! Alors que le soutien du Conseil général du Val-de-Marne, « plus simple, plus facile à comprendre », lui a déjà permis de partir au ski avec ses enfants.

Razika, venue d’Algérie où elle était assistante au procureur d’Alger et se retrouve maintenant au chômage avec juste quelques vacations comme interprète au tribunal de Créteil, a d’abord cru que ce dispositif n’était pas pour elle et ses deux enfants (un garçon en 6e et une fille en primaire) : « Je n’utilise pas l’aide de la CAF parce que c’est pour les colos et je ne suis pas encore prête à laisser mes enfants partir sans moi ! » Un peu plus tard, après avoir compris le principe de l’AVF, elle avouera : « Maintenant, ça m’intéresse ! »

Quand à Latifa qui, petite, partait elle-même en vacances avec ses parents en utilisant l’aide de la CAF, elle a voulu refaire la même chose avec ses trois enfants, scolarisés de la primaire à la 3e. « En 2008, je suis partie avec eux une semaine en VVF pendant les vacances de Pâques. L’aide de la CAF s’élevait à 260 euros pour une location à 650 euros la semaine. Toutes les activités de centre aéré pour les enfants étaient gratuites, et des sorties étaient organisées pour les adultes. C’est génial car ça permet de se retrouver en famille, mais les parents peuvent profiter d’un peu de répit, on crée des liens d’amitié avec d’autres, c’est une vraie détente ! »

La « café des parents » du collège Amédée-Laplace

Il y a des « plus » dans le dispositif. Ainsi, le soutien de la CAF est directement déduit du prix de la location, et le bénéficiaire n’a qu’à s’acquitter du solde. « Les tarifs ne sont pas excessifs, et on trouve toujours quelque chose, même si on s’y prend tard. Alors que certaines familles se ruinent en prenant n’importe quelle location au dernier moment ! », affirme Latifa. Elle apprécie tellement le système qu’elle en est devenue « une sorte de relais d’information informel ». Mais elle reconnaît qu’il lui a fallu, au départ, un coup de téléphone à la CAF et les conseils avisés d’un salarié pour comprendre comment s’y prendre. « Quand j’étais petite, c’était plus simple : ma mère ne savait pas lire, mais on lui donnait des infos au centre social ».

A la sortie de l’école primaire Savignat, d’autres parents avouent leur ignorance : « Moi, je suis seule avec un enfant, et je n’ai pas les moyens de partir, même avec les bons CAF. Enfin je crois… Maintenant que vous m’en avez parlé, je vais regarder », explique cette maman. Ils sont nombreux, comme elle, à être mal informés. Et les résultats sont éloquents : d’après l’évaluation menée par la CAF, 6,3 % seulement des bénéficiaires potentiels au niveau national utilisent ce dispositif ! Près de la moitié de ceux qui n’y ont pas recours donnent pour raison le coût du séjour, jugé trop élevé par rapport à leurs revenus, même avec l’AVF. Ceux qui l’utilisent, en revanche, sont convaincus : 93% attestent que cette aide a été déterminante pour le financement de leurs vacances. Toujours selon cette enquête de 2008, 62% des familles qui n’utilisent pas l’aide de la CAF ne partent pas en vacances, et 79% de leurs enfants ne font aucune activité pendant leurs congés (ni colonies, ni clubs de sport, ni centre aéré).

Premier problème pointé par les parents dans les interviews : la lettre qu’ils reçoivent, certes très précise sur certains aspects (elle mentionne le soutien spécifique accordée au destinataire, calculé en fonction du quotient familial), n’est pas rédigée dans un style compréhensible à tous. D’ailleurs 61% des allocataires qui n’utilisent pas l’AVF estiment n’avoir pas reçu de la CAF une information suffisante sur le fonctionnement du dispositif.

Seconde contrainte : la démarche s’effectue entièrement sur le site Vacaf, ce qui ne facilite pas la tâche des familles qui ne sont pas connectées, ou peu familiarisées avec le web. Bien sûr, elles peuvent aller à la CAF, et consulter Internet sur place en se faisant aider d’un salarié. Mais les files d’attente devant l’institution, dès très tôt le matin, en dissuadent beaucoup de tenter l’aventure !

Ne faudrait-il pas envisager un remaniement du document et organiser des forums d’informations sur ce dispositif, essentiel à l’accès aux vacances pour tous ? Une sorte d’injustice apparaît, car ces droits ne sont pas utilisés, alors même qu’ils sont destinés aux plus fragilisés. Et ce constat ne révèle-t-il pas un autre problème : le manque de personnes relais au plus près les habitants ? Si un nombre suffisant de personnel pouvait prendre le temps d’expliquer l’AVF, nous aurions sans nul doute une recrudescence d’allocataires vacanciers. Ce qui ferait bien les affaires du tourisme !

Nelly Diallo

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